La qualification historique d’Haïti pour la Coupe du monde 2026 ne semble guère réjouir la Maison-Blanche. Le président Donald Trump et son administration affirment vouloir utiliser « tous les moyens » pour limiter l’arrivée de supporters haïtiens aux États-Unis l’été prochain, alors que le tournoi sera co-organisé par les États-Unis, le Canada et le Mexique.
Haïti vient pourtant de signer un exploit retentissant : pour la première fois depuis 1974, la sélection masculine disputera le Mondial. Une réussite qui pourrait cependant être ternie par l’absence remarquée de ses fans dans les stades américains.
Une politique migratoire qui bloque les supporters
Selon des informations confirmées au média Politico par le Département d’État, l’administration Trump ne prévoit aucune dérogation spécifique pour les supporters haïtiens. Haïti figure parmi les 19 pays visés par une proclamation présidentielle adoptée en juin, qui restreint fortement les entrées sur le sol américain au nom de la sécurité nationale et des risques d’overstay.
La proclamation prévoit bien des exceptions pour garantir le déroulement de l’événement : joueurs, staffs techniques, familles proches, arbitres et personnels essentiels bénéficient d’un régime dérogatoire. Les supporters, eux, n’y ont pas droit.
Un porte-parole du Département d’État a précisé à Politico que les fans haïtiens pourront déposer une demande de visa, mais qu’ils « risquent fortement d’être jugés inéligibles soit pour la délivrance du visa, soit pour l’admission à la frontière ». Un mécanisme d’exemption « dans l’intérêt national » existe théoriquement, mais Washington prévient qu’il sera utilisé de manière « très rare ».
De fait, une grande partie du public haïtien pourrait devoir se tourner vers les matchs programmés au Canada ou au Mexique, où les règles d’entrée sont moins strictes.
Une décision contraire à l’esprit d’un Mondial
Traditionnellement, les pays hôtes assouplissent leurs procédures de visas durant la Coupe du monde pour faciliter les déplacements de supporters étrangers. Le président de la FIFA, Gianni Infantino, avait lui-même assuré que « les fans du monde entier seront les bienvenus ».
La fermeté de Washington apparaît donc en contradiction directe avec ce message d’ouverture. Haïti n’est d’ailleurs pas le seul pays touché : l’Iran, également sous restrictions américaines, est qualifié pour 2026 et ses supporters devraient faire face au même blocage.
Un exploit sportif dans un contexte national dramatique
Cette qualification intervient alors que le pays traverse une crise politique, sécuritaire et humanitaire aiguë. Confrontée aux violences de gangs, la sélection haïtienne dispute même ses matchs « à domicile » à l’étranger.
Pour de nombreux Haïtiens, la qualification des Grenadiers constitue l’un des rares motifs d’unité nationale. L’idée d’un Mondial sans leurs supporters dans les tribunes américaines est vécue comme une double injustice — sportive et symbolique. À cela s’ajoute la frustration de la diaspora haïtienne, très nombreuse aux États-Unis, qui espérait vivre ce moment historique en masse, « à la maison ».
Silence diplomatique et tensions à venir
Contactée par Politico, l’ambassade d’Haïti à Washington n’a pas souhaité commenter. La FIFA, de son côté, reste silencieuse, alors même que l’instance multiplie les messages promouvant l’universalité du tournoi.
Des observateurs s’attendent toutefois à une montée des tensions diplomatiques à mesure que le Mondial approche et que les premières demandes de visas rejetées commenceront à être médiatisées. Plusieurs médias internationaux, notamment en Afrique, en Europe et dans les Caraïbes, relèvent déjà le paradoxe d’un tournoi élargi à 48 équipes mais dont l’accès aux supporters de certains pays est restreint.
Un enjeu d’image pour les États-Unis
Pour l’administration Trump, cette décision s’inscrit dans une stratégie migratoire durcie, dans la continuité des « travel bans » du premier mandat. Mais sur la scène internationale, la question dépasse la politique intérieure : elle interroge la capacité des États-Unis à accueillir un événement mondial censé favoriser l’échange et le rassemblement.
À quelques semaines du tirage au sort des groupes à Washington, les supporters haïtiens oscillent entre inquiétude et espoir qu’un compromis soit trouvé. La grande fête du football devrait, selon eux, rester ouverte à celles et ceux qui en incarnent l’âme : les fans.
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