Deux conséquences néfastes potentielles de la désignation des gangs haïtiens comme organisations terroristes internationales
Sur les plateformes de réseaux sociaux, principalement Facebook, les discussions ont été largement dominées, Vendredi, par la décision de l’administration américaine de désigner les gangs Viv Ansanm et Gran Grif comme organisations terroristes internationales.
Beaucoup ont exprimé leur joie, pensant que les gangs allaient enfin être éradiqués. Une telle réaction euphorique est plus que compréhensible pour un peuple ayant tant souffert des actes barbares de criminels notoires, sans foi ni loi.
Nombreux sont ceux qui croient qu’avec cette désignation, la communauté internationale, menée par les États-Unis, déploiera enfin de grands moyens pour soutenir la Force Multinationale de Sécurité et la Police Nationale d’Haïti.
Bien que certains moyens — quoique limités — soient effectivement mis à la disposition des forces de l’ordre, ils restent largement insuffisants. Et cette désignation, à elle seule, ne changera pas fondamentalement la donne si l’on se base sur l’expérience d’autres pays ayant connu des situations similaires.
Ce qui est presque certain, cependant, c’est que les conséquences pour le pays pourraient être catastrophiques.
Au départ, j’avais réfléchi à dix points importants. Mais j’ai finalement conclu que je pouvais les regrouper en seulement deux catégories, sans pour autant diminuer l’importance des autres.
Dans ce texte, nous évaluons donc deux des principales conséquences pour un pays dont certains groupes sont désignés comme terroristes internationaux.
1. Problème de sécurité régionale?
Si vous avez lu le communiqué du Département d’État, vous avez sûrement remarqué plusieurs passages soulignant que les gangs Viv Ansanm et Gran Grif représentent une menace pour la sécurité régionale.
En langage simple : ces groupes armés ne représentent pas seulement un danger pour Haïti, mais également pour d’autres pays voisins, à commencer par la République Dominicaine.
Lors de la dernière Assemblée générale des Nations Unies, le président dominicain Luis Abinader avait appelé à considérer les gangs haïtiens comme des organisations terroristes. Il a réitéré cette demande lors de la visite du Secrétaire d’État américain Marco Rubio en République Dominicaine, juste après sa confirmation par le Sénat.
Dans un document publié en 2001, intitulé « Lutte contre le terrorisme dans le contexte du droit international », les Nations Unies reconnaissent le droit pour un pays de pénétrer sur le territoire d’un pays voisin à condition qu’il s’agisse de lutter contre une organisation terroriste.
Ce principe a déjà été appliqué en Afghanistan, en Iran, en Libye, au Liban, entre autres. Le document précise toutefois que toute intervention doit respecter les conventions et traités internationaux.
Ainsi, selon ce principe, le président Abinader pourrait légitimement ordonner à ses forces armées d’entrer en Haïti sous prétexte de lutte contre le terrorisme — d’autant plus que certains gangs haïtiens progressent déjà vers des zones frontalières.
2. Isolement économique
Les sanctions associées à la désignation peuvent décourager les investissements étrangers et nuire aux relations commerciales, aggravant une situation économique déjà critique.
À première vue, on pourrait penser que cela a peu d’impact, étant donné le faible niveau d’investissement actuel en Haïti. Cependant, les effets secondaires sont bien réels, notamment sur le système financier : banques, maisons de transfert, micro-finance, etc.
Les institutions financières internationales peuvent imposer des restrictions supplémentaires, ralentissant les transferts de fonds — y compris ceux de la diaspora, qui sont vitaux à la survie quotidienne de millions de familles et au fonctionnement de l’économie nationale.
Cet isolement économique aurait aussi des conséquences directes sur l’aide humanitaire, malheureusement devenue essentielle pour la population haïtienne.
Les ONG peuvent rencontrer des obstacles juridiques pour opérer, à cause de la nécessité d’éviter toute interaction — même indirecte — avec des entités désignées comme terroristes. Certains gouvernements pourraient même déconseiller à leurs citoyens de participer à des missions humanitaires en Haïti. Or, selon les Nations Unies, l’aide humanitaire représente la principale source d’alimentation pour plus de la moitié de la population haïtienne.
En somme, pour ceux qui espèrent que cette désignation de groupes criminels comme organisations terroristes renforcera la sécurité en Haïti, je ne prétends pas le contraire. Mais ce qui est certain, c’est que cette mesure entraînera de nombreuses conséquences.
Ce n’est pas par pessimisme, mais l’expérience d’autres pays ayant vécu des situations similaires nous invite à réfléchir sérieusement aux implications possibles.
Il est donc essentiel que cette désignation soit accompagnée d’un soutien international concret et bien coordonné, afin d’atténuer les effets négatifs sur la population et sur les institutions locales.