De partisan de Trump à exilé malgré lui : un Américain quitte tout pour suivre sa femme expulsée

Emmanuel Paul
Par
Emmanuel Paul
Journalist/ Storyteller
Emmanuel Paul est un journaliste chevronné et un conteur accompli, animé par un engagement profond envers la vérité, la communauté et l’impact social. Il est le...
Chris Allred and his Wife Credit: New York Times

LITTLE ROCK, ARKANSAS — Chris Allred, un recruteur américain de 48 ans dans le secteur du transport routier, n’aurait jamais imaginé que les politiques migratoires qu’il soutenait avec ferveur allaient bouleverser sa propre vie.

Originaire de l’Arkansas et ancien défenseur assumé des politiques anti-immigration les plus strictes, cet américain se prépare aujourd’hui à quitter les États-Unis pour s’installer en Équateur, le pays natal de sa femme immigrante, désormais sous le coup d’un ordre d’expulsion.

Selon le média We Got This Covered, Chris Allred était autrefois un fervent partisan des idées de Donald Trump en matière d’immigration. Il accusait les sans-papiers de « détruire l’Amérique de l’intérieur » et soutenait des mesures radicales contre les traversées irrégulières de la frontière. Tout a basculé lorsqu’il a rencontré Geleny, une mère équatorienne venue aux États-Unis après avoir tout perdu à la suite de catastrophes naturelles.

Leur histoire d’amour, née dans un contexte de précarité, a rapidement conduit au mariage.

Pour Allred, Geleny représentait une exception : « une bonne immigrante », disait-il à ses proches, ce qui lui permettait de concilier ses convictions politiques passées avec sa nouvelle réalité familiale.

Mais malgré leur union et les efforts engagés pour régulariser la situation de Geleny, les autorités américaines sont restées inflexibles.

D’après We Got This Covered, un juge de l’immigration a récemment ordonné l’expulsion de Geleny, estimant qu’elle ne remplissait pas les critères d’ajustement de statut.

Face à cette décision, Chris Allred a décidé de ne pas la laisser partir seule.

Il a vendu sa maison et ses biens, commencé à apprendre l’espagnol et prévu de l’accompagner en Équateur, pays qu’il ne connaît absolument pas. Sa seule expérience à l’étranger ? Une brève excursion à Tijuana, au Mexique, il y a plusieurs années.

« J’ai peur. Je ne sais pas à quoi m’attendre là-bas », a-t-il confié au média américain. Il dit s’informer sur la sécurité en Équateur, sur les opportunités d’emploi, notamment dans le secteur du tourisme médical, et admet que ses certitudes ont été profondément ébranlées.

Aujourd’hui, bien qu’il continue de penser que les États-Unis « ne peuvent pas accueillir tout le monde », Chris Allred reconnaît la souffrance de ceux qui sont expulsés, souvent sans avoir eu la chance de défendre leur cas. Il affirme mieux comprendre ce que cela signifie de devoir tout quitter : son pays, sa stabilité, sa langue. « Je pensais que c’était simple : tu respectes la loi ou tu pars. Mais maintenant, je vois que c’est beaucoup plus compliqué. »

Son témoignage est l’exemple concret des contradictions vécues par certains Américains confrontés à la réalité de l’immigration à travers des liens personnels.

Si Allred n’a jamais milité politiquement, ses opinions pro-Trump et anti-immigration étaient clairement exprimées, sur les réseaux sociaux comme dans ses cercles professionnels.

Depuis le retour de Donald Trump à la présidence en janvier 2025, les politiques migratoires ont été considérablement durcies. L’administration a renforcé les expulsions, relancé l’utilisation de procédures accélérées et intensifié les contrôles dans les juridictions dites sanctuaires.

Des milliers de familles mixtes – composées d’un citoyen américain et d’un conjoint sans-papiers – se retrouvent ainsi menacées de séparation.

Le cas de Chris et Geleny s’inscrit dans une tendance plus large observée ces derniers mois où les réalités humaines rattrapent les slogans politiques.

« C’est une situation cruelle, surtout pour les familles qui ont construit une vie ici », observe un avocat en droit de l’immigration basé à Houston, qui préfère rester anonyme. « L’administration actuelle dit cibler les criminels, mais dans les faits, ce sont souvent des personnes sans antécédents judiciaires qui sont expulsées. »


Sources : We Got This Covered, entretiens directs et documents juridiques accessibles.

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