Face à la crise sécuritaire et institutionnelle qui frappe Haïti depuis plusieurs années, l’Organisation des États américains (OEA) a présenté mercredi 20 aout 2025 une feuille de route destinée à ramener la paix et la stabilité dans le pays. Le Secrétaire général de l’OEA, Albert Ramdin, a exposé ce plan devant le Conseil permanent de l’organisation, en présence de représentants des autorités haïtiennes, de la CARICOM, de l’ONU, de la Banque interaméricaine de développement (BID) et d’autres partenaires internationaux.
Ce plan, évalué à 2,6 milliards de dollars pour la période 2025-2028, repose sur cinq grands piliers : sécurité et paix, consensus politique, élections, aide humanitaire et développement durable. L’objectif affiché est double : sécuriser le pays tout en posant les bases d’une gouvernance stable et d’un développement économique soutenable.
Sur le volet sécurité, l’OEA met l’accent sur la sécurisation des corridors, le renforcement de la Police nationale et la réforme du système judiciaire. La situation est critique : près de 90 % de Port-au-Prince serait actuellement sous contrôle des gangs armés, et plus de 5 600 personnes ont été tuées en 2024. Par ailleurs, 1,3 million de citoyens, dont de nombreux enfants, ont été déplacés. Albert Ramdin a insisté sur le caractère prioritaire de la sécurité, soulignant que « Haïti traverse une crise grave qui requiert notre attention immédiate. Aucun pays ne peut porter seul ce fardeau. La solidarité des États membres est essentielle ».
Le deuxième pilier, le consensus politique, vise à soutenir la transition et à préparer une nouvelle constitution. L’OEA espère ainsi renforcer la légitimité des institutions haïtiennes et encourager la concertation entre les différents acteurs politiques. Les élections constituent le troisième pilier : l’organisation promet d’accompagner la tenue d’un processus libre, juste et transparent.
L’aide humanitaire constitue le quatrième axe. Elle inclut la fourniture de nourriture, d’eau potable, de soins de santé, d’éducation et d’abris pour les populations déplacées et vulnérables. Le plan prévoit également un soutien aux services de base et au développement durable, en encourageant l’agriculture, les petites entreprises et la relance économique.
Pour assurer la transparence et le suivi, la feuille de route prévoit la création d’un tableau de bord et l’organisation d’une conférence internationale des donateurs. L’OEA insiste sur le fait que ce plan doit rester évolutif, s’adaptant aux circonstances sur le terrain.
Cependant, malgré son ambition, cette feuille de route soulève plusieurs interrogations. Haïti est déjà l’objet de multiples initiatives internationales : le Groupe de personnalités éminentes (GPE) de la CARICOM, la Mission multinationale d’appui à la sécurité (MMAS) dirigée par le Kenya, les mandats de l’ONU et de ses agences spécialisées, ainsi que divers programmes de la BID, de l’Organisation panaméricaine de la Santé (OPS) et de l’Institut interaméricain de coopération pour l’agriculture (IICA). Les experts craignent une superposition d’initiatives, un risque de bureaucratie excessive et une dépendance continue d’Haïti vis-à-vis des bailleurs étrangers.
Le défi reste immense. Le succès du plan dépendra autant de la mobilisation effective des financements que de la coordination entre bailleurs, autorités nationales, société civile et diaspora. Si l’OEA insiste sur l’importance de la solidarité et de la coordination internationale, la population haïtienne attend surtout des résultats concrets sur sa sécurité, ses conditions de vie et sa capacité à décider de son avenir.
En résumé, la feuille de route de l’OEA est ambitieuse et nécessaire, mais elle devra surmonter les mêmes obstacles que les initiatives précédentes pour transformer ses promesses en changements tangibles. Haïti n’a plus le temps pour les plans théoriques : il lui faut une action concrète, coordonnée et surtout centrée sur les besoins réels des citoyens.
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