Un juge fédéral bloque de nouveau le décrêt exécutif de Donald Trump sur la Citoyenneté de naissance

Emmanuel Paul
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A baby holds a U.S. flag during a naturalization ceremony for new American citizens at the World War II Memorial in Washington, D.C., on August 25, 2016. Credit: REUTERS/Gary Cameron

Nouvelle victoire juridique pour les immigrants en situation irrégulière aux États-Unis.

Le décret du président Donald Trump sur la citoyenneté de naissance pourrait ne pas être mis en application le 27 juillet comme prévu.

Le juge fédéral Joseph Laplante, nommé par George W. Bush, a émis jeudi 10 juillet 2025 une injonction préliminaire interdisant au gouvernement Trump d’appliquer son décret visant à mettre fin au droit à la citoyenneté par naissance pour les enfants nés de parents étrangers en situation irrégulière ou temporaire.

Le juge de district fédéral a pris les conservateurs de la Cour suprême au mot.
Au lieu de publier une injonction préliminaire appliquée sur tout le territoire, le magistrat a certifié une action collective, donnant ainsi la possibilité à toutes les parties concernées de faire partie de la classe d’action collective.

La Cour suprême des États-Unis avait récemment limité l’usage des injonctions nationales, sauf dans le cadre d’actions collectives. C’est précisément ce mécanisme qu’a utilisé l’ACLU (American Civil Liberties Union), qui représente les plaignants dans ce dossier, selon ce qu’a fait remarquer CNN.

« Cette affaire n’est pas une question complexe », a affirmé le juge Laplante lors de l’audience, selon CNN. Il a souligné que retirer la citoyenneté américaine par décret, sans débat législatif, constituait un préjudice irréparable. « La citoyenneté américaine est le plus grand privilège qui existe dans le monde », a-t-il déclaré.

Le décret présidentiel signé le 20 janvier 2025 par Donald Trump – le jour même de son retour à la Maison-Blanche – stipule que le gouvernement fédéral ne reconnaîtra plus comme citoyens américains les enfants nés sur le sol américain de parents présents illégalement ou temporairement. Le texte s’intitule : « Protéger la signification et la valeur de la citoyenneté américaine ».

En février, le juge Laplante avait déjà interdit au gouvernement d’appliquer cette mesure à un groupe restreint de plaignants issus d’organisations non gouvernementales. Cette fois, la portée est nationale, grâce à l’homologation d’une action collective incluant tous les enfants affectés par le décret et nés après le 20 février 2025.

Dans son ordonnance écrite de 38 pages, le juge, nommé par l’ancien président George W. Bush, critique le caractère précipité du décret, adopté sans débat public ni loi du Congrès. Il estime que la mesure remet en cause « une politique nationale vieille de plus d’un siècle, fondée sur le 14e amendement ».

Lors de l’audience, les avocats du gouvernement ont plaidé contre l’inclusion des parents dans l’action collective, arguant que leurs situations juridiques étaient trop diverses. Le juge a accédé à cette requête, estimant qu’il n’était pas possible de mener une enquête approfondie dans les délais impartis. L’action collective se limitera donc aux enfants directement menacés.

Parmi les représentants désignés de cette action figurent une femme hondurienne enceinte vivant dans le New Hampshire et un homme brésilien dont l’enfant est né aux États-Unis en mars dernier.

Dans une déclaration, les avocats de l’ACLU ont rappelé que si le décret de Trump entrait en vigueur, « ces enfants se verraient refuser l’accès au droit de vote, aux jurys fédéraux, à plusieurs programmes sociaux, et risqueraient la détention, voire l’expulsion vers des pays qu’ils ne connaissent pas ».

La décision de Laplante fait écho à un précédent majeur : en 2012, dans l’arrêt Arizona v. United States, la Cour suprême avait réaffirmé que la régulation de l’immigration relevait exclusivement du gouvernement fédéral. À l’époque, le juge Anthony Kennedy avait reconnu les frustrations des États face à l’immigration clandestine, mais avait insisté sur le fait qu’ils ne pouvaient adopter des politiques contraires à la loi fédérale.

Le mois dernier, la Cour suprême a limité le pouvoir des juges de district d’émettre des injonctions nationales, mais a explicitement laissé ouverte la voie des recours collectifs. La décision du juge Laplante s’inscrit donc dans ce cadre.

« L’injonction préliminaire est conforme à la Constitution et nécessaire pour éviter des conséquences irréversibles », a déclaré Cody Wofsy, avocat de l’ACLU, cité par CNN.

Le gouvernement Trump a désormais quelques jours pour interjeter appel. Le ministère de la Justice pourrait demander à une cour d’appel de suspendre cette injonction en attendant un jugement au fond. Il est fort probable que l’affaire revienne devant la Cour suprême dans les prochains mois, compte tenu des divergences d’interprétation entre tribunaux fédéraux.

En parallèle, d’autres juridictions à travers les États-Unis examinent également la légalité du décret. Certaines ont déjà suspendu son application et demandent désormais aux parties de se prononcer à la lumière de la décision récente de la Cour suprême.

Des juges conservateurs comme Samuel Alito et Clarence Thomas ont déjà averti que les recours collectifs pourraient devenir un moyen détourné de contourner l’interdiction des injonctions nationales. Pour eux, une certification trop souple des recours collectifs représenterait une faille dans la jurisprudence de la Cour.

Mais pour l’instant, la décision du juge Laplante constitue un obstacle majeur à la mise en œuvre du décret de Donald Trump. Il faudra voir si la Cour suprême, déjà divisée sur cette question, accepte d’arbitrer une fois de plus ce débat crucial sur les droits à la citoyenneté et les limites du pouvoir exécutif.

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