Chicago : onze chauffeurs de plateformes interpellés sur l’aire VTC d’O’Hare, tensions renouvelées dans le secteur

Emmanuel Paul
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Emmanuel Paul
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Emmanuel Paul est un journaliste chevronné et un conteur accompli, animé par un engagement profond envers la vérité, la communauté et l’impact social. Il est le...

Aux premières heures du matin, sur l’aire de stationnement réservée aux véhicules de transport avec chauffeur de l’aéroport international O’Hare, des agents fédéraux ont mené une opération ciblée aboutissant à onze interpellations.

Il s’agit de la deuxième intervention en un peu plus d’une semaine au même endroit, ravivant les inquiétudes dans un secteur employant de nombreux travailleurs migrants et où l’accès contrôlé au site est devenu un enjeu quotidien.

Selon les autorités fédérales, l’intervention s’est déroulée à proximité des parcs dédiés aux VTC (les chauffeurs des platformes de taxi UBER et Lyft entre autres).

Des images diffusées par une application de vigilance citoyenne montrent des agents en patrouille procédant à des contrôles successifs auprès de chauffeurs en attente de courses. Dans un message adressé à la presse, le Département de la sécurité intérieure a confirmé le lieu, l’horaire et le nombre d’arrestations.

L’administration précise que les personnes interpellées sont originaires de Colombie, du Kirghizistan, du Mexique, de Mongolie, de Pologne, de Russie, d’Ukraine et du Venezuela. Elle affirme par ailleurs que plusieurs d’entre elles présentent des antécédents, notamment des violences intrafamiliales, des conduites en état d’ivresse et des dépassements de séjour, et que certaines font l’objet d’ordres d’éloignement définitifs.

Sur le terrain, l’effet a été immédiat : courses interrompues, files perturbées, téléphones qui s’activent pour prévenir collègues et proches. Les représentants des chauffeurs redoutent un climat de peur susceptible de détourner durablement les professionnels de l’aire officielle, pourtant indispensable pour fluidifier la prise en charge des voyageurs.

Au nom de l’Alliance des chauffeurs de l’Illinois, Bailey Koch rappelle le rôle de ces travailleurs dans l’économie locale et le fonctionnement quotidien de l’aéroport : « Ces conducteurs sont essentiels à chacune de nos communautés. » L’organisation a déclenché une cellule d’appui pour recenser les personnes arrêtées et accompagner leurs familles. « Nous essayons de savoir où elles se trouvent, où se trouvent leurs familles, et de leur apporter le plus de ressources possible, tout en travaillant pour que cela ne continue pas à se produire », explique-t-elle.

Un contexte de répétition des interventions

Cette inquiétude s’inscrit dans un contexte de récurrence. Le 10 octobre, des agents fédéraux avaient déjà conduit une opération similaire dans la même aire, avec plusieurs interpellations. À la suite de cet épisode, l’Alliance affirme avoir travaillé avec la Ville de Chicago pour renforcer l’accès réglementé : panneaux supplémentaires, filtrage des accréditations et présence humaine continue.

« À ce jour, nous avons travaillé avec la Ville pour assurer une sécurité 24 heures sur 24 sur cette aire, et faire respecter strictement l’accès : si vous n’avez pas les bons justificatifs, l’entrée est interdite dans cette zone », souligne Bailey Koch. L’organisation cherche à comprendre comment les agents fédéraux ont de nouveau pu accéder au site et quelles mesures supplémentaires pourraient empêcher toute intrusion non autorisée.

L’aire VTC d’O’Hare concentre chaque jour des centaines de véhicules. Les plateformes y orientent les chauffeurs pour réduire les va-et-vient autour des terminaux, éviter les encombrements et attribuer les courses par ordre d’arrivée. Cette concentration fait de l’aire un point de contrôle privilégié pour les forces fédérales, mais expose également les conducteurs : une interpellation dans cet espace semi-fermé peut immobiliser le véhicule, perturber les circuits de prise en charge et désorganiser l’accès des passagers, notamment aux heures de pointe.

Pour les défenseurs des travailleurs, la répétition des opérations au même endroit produit un effet dissuasif : certains chauffeurs préfèrent contourner l’aire officielle, au risque de sanctions aéroportuaires, tandis que d’autres réduisent leurs heures de présence, ce qui raréfie l’offre lors des pics d’affluence. À l’inverse, les autorités insistent sur la dimension ciblée des interventions et sur la nécessité d’exécuter des décisions de justice déjà prononcées.

Au-delà du nombre d’interpellations et de la liste des nationalités, les éléments fournis par l’administration demeurent parcellaires. Aucune identité n’a été rendue publique. Les indications sur les antécédents et les ordres d’éloignement relèvent d’un exposé global, sans détail dossier par dossier. Les autorités n’ont pas précisé où les personnes ont été conduites, ni les délais avant une éventuelle audience devant les juridictions compétentes. Enfin, les conditions d’accès des agents à une aire régulée, où vigiles et signalisation ont été renforcés depuis dix jours, n’ont pas été commentées.

L’Alliance des chauffeurs a annoncé des réunions d’information à destination des professionnels : rappels sur les documents à conserver, consignes en cas de contrôle, procédures de signalement d’une intrusion et répercussions possibles sur le permis aéroportuaire. Objectif déclaré : éviter l’escalade, réduire les risques d’incidents et garantir la continuité du service aux voyageurs.

La répétition d’interventions fédérales en un laps de temps aussi court alimente l’idée d’une campagne visant des lieux de travail identifiés. Pour les chauffeurs, dont beaucoup cumulent charges familiales et remboursements de véhicules, la perspective d’un contrôle soudain, puis d’une garde à vue potentielle, pèse désormais dans le calcul de chaque journée. Pour l’aéroport, l’équation consiste à maintenir l’ordre public sans paralyser une zone clé de la mobilité urbaine. Entre les deux, les associations appellent à clarifier les protocoles et à privilégier des interventions proportionnées, afin d’éviter qu’une aire dédiée à la fluidité des déplacements ne se transforme durablement en point de tension.

Par la rédaction — D’après un reportage de Victor Jacobo pour CBS Chicago (19 octobre 2025), communication du Département de la sécurité intérieure, déclarations de Bailey Koch, Alliance des chauffeurs de l’Illinois, séquences vidéo diffusées par une application citoyenne à proximité de l’aéroport O’Hare.

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