Craignant d’être arrêtés, des parents immigrants désignent à l’avance des proches pour s’occuper de leurs enfants

Emmanuel Paul
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Emmanuel Paul
Journalist/ Storyteller
Emmanuel Paul est un journaliste chevronné et un conteur accompli, animé par un engagement profond envers la vérité, la communauté et l’impact social. Il est le...
"Two individuals receive help with healthcare applications at the Brazilian American Center in Framingham. (Photo: Credit: Jesse Costa/WBUR)"

La peur d’une arrestation par les services d’immigration pousse de plus en plus de familles immigrées à se préparer au pire : être séparées de leurs enfants.

Dans certains cas, des parents confient à un ami proche — souvent citoyen américain — un rôle essentiel : celui de personne désignée pour s’occuper temporairement de leurs enfants, si jamais ils venaient à être arrêtés par les autorités.

À Framingham, une ville à l’Ouest du Massachusetts,  une mère de deux jeunes filles a décidé de prendre les devants. Dans un centre communautaire local, elle a rempli un document juridique autorisant une amie à accueillir ses enfants à son domicile en cas d’arrestation ou d’expulsion. « On ne sait jamais ce qui peut arriver. Je veux être sûre que mes filles seront entre de bonnes mains », a-t-elle déclaré en portugais à la radio WBUR.

Il ne s’agit pas ici d’une tutelle légale, mais d’un statut de « personne responsable », reconnu dans l’État du Massachusetts. Ce dispositif permet à un adulte de prendre en charge des enfants sur les questions de santé et d’éducation, sans que les parents perdent leurs droits. Maître Heather Arroyo, avocate au Massachusetts Law Reform Institute, a expliqué à WBUR que cette procédure est de plus en plus répandue. « C’est un moyen pour les parents de garder le contrôle. Ils peuvent mettre fin à cette autorisation à tout moment », a-t-elle précisé.

Selon Jillian Phillips, travailleuse sociale à Worcester, cette précaution permet d’éviter une série de complications : placement en foyer, perte de lien familial, procédures judiciaires lourdes depuis l’étranger. « Une fois que l’enfant entre dans le système, même une personne de confiance aura du mal à le récupérer », a-t-elle averti au micro de WBUR.

Le centre communautaire brésilien de Framingham, très sollicité, a vu la demande de formulaires exploser en mai, à la suite d’une vaste opération des services de l’immigration dans l’État. Selon sa directrice, Liliane Costa,  » certaines familles vivent dans une telle angoisse qu’elles ne sortent plus de chez elles que pour faire les courses ». Elle a comparé cette situation à un confinement, dans des propos rapportés par WBUR : « Une amie m’a dit : après le Covid, voici la pandémie de l’immigration. »

La peur est telle que plusieurs événements publics ont été annulés, dont la Festa Junina organisée par la paroisse Saint-Tarcisius, qui réunit d’ordinaire des milliers de Brésiliens. Le père Jairo Guidini a justifié cette décision sur WBUR : « Je ne pense pas que les agents de l’immigration viendraient faire une descente dans un festival, mais je ne peux pas apaiser la peur des gens. »

Ce climat a de lourdes conséquences, même pour les plus jeunes. Le prêtre évoque des enfants sous traitement pour troubles anxieux. Certains redoutent que leurs parents ne rentrent jamais à la maison. C’est aussi ce qui a poussé L. à désigner une personne de confiance. Elle l’a fait à contrecœur, espérant ne jamais devoir recourir à cette solution. « Si quelque chose nous arrive, je veux qu’elles soient avec quelqu’un qui les aime, pas dans un foyer « , a-t-elle confié.

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