La peur d’une arrestation par les services d’immigration pousse de plus en plus de familles immigrées à se préparer au pire : être séparées de leurs enfants.
Dans certains cas, des parents confient à un ami proche — souvent citoyen américain — un rôle essentiel : celui de personne désignée pour s’occuper temporairement de leurs enfants, si jamais ils venaient à être arrêtés par les autorités.
À Framingham, une ville à l’Ouest du Massachusetts, une mère de deux jeunes filles a décidé de prendre les devants. Dans un centre communautaire local, elle a rempli un document juridique autorisant une amie à accueillir ses enfants à son domicile en cas d’arrestation ou d’expulsion. « On ne sait jamais ce qui peut arriver. Je veux être sûre que mes filles seront entre de bonnes mains », a-t-elle déclaré en portugais à la radio WBUR.
Il ne s’agit pas ici d’une tutelle légale, mais d’un statut de « personne responsable », reconnu dans l’État du Massachusetts. Ce dispositif permet à un adulte de prendre en charge des enfants sur les questions de santé et d’éducation, sans que les parents perdent leurs droits. Maître Heather Arroyo, avocate au Massachusetts Law Reform Institute, a expliqué à WBUR que cette procédure est de plus en plus répandue. « C’est un moyen pour les parents de garder le contrôle. Ils peuvent mettre fin à cette autorisation à tout moment », a-t-elle précisé.
Selon Jillian Phillips, travailleuse sociale à Worcester, cette précaution permet d’éviter une série de complications : placement en foyer, perte de lien familial, procédures judiciaires lourdes depuis l’étranger. « Une fois que l’enfant entre dans le système, même une personne de confiance aura du mal à le récupérer », a-t-elle averti au micro de WBUR.
Le centre communautaire brésilien de Framingham, très sollicité, a vu la demande de formulaires exploser en mai, à la suite d’une vaste opération des services de l’immigration dans l’État. Selon sa directrice, Liliane Costa, » certaines familles vivent dans une telle angoisse qu’elles ne sortent plus de chez elles que pour faire les courses ». Elle a comparé cette situation à un confinement, dans des propos rapportés par WBUR : « Une amie m’a dit : après le Covid, voici la pandémie de l’immigration. »
La peur est telle que plusieurs événements publics ont été annulés, dont la Festa Junina organisée par la paroisse Saint-Tarcisius, qui réunit d’ordinaire des milliers de Brésiliens. Le père Jairo Guidini a justifié cette décision sur WBUR : « Je ne pense pas que les agents de l’immigration viendraient faire une descente dans un festival, mais je ne peux pas apaiser la peur des gens. »
Ce climat a de lourdes conséquences, même pour les plus jeunes. Le prêtre évoque des enfants sous traitement pour troubles anxieux. Certains redoutent que leurs parents ne rentrent jamais à la maison. C’est aussi ce qui a poussé L. à désigner une personne de confiance. Elle l’a fait à contrecœur, espérant ne jamais devoir recourir à cette solution. « Si quelque chose nous arrive, je veux qu’elles soient avec quelqu’un qui les aime, pas dans un foyer « , a-t-elle confié.