L’administration Trump fait face à une vague de critiques après que le Département de l’Éducation a décidé d’exclure les études infirmières de la catégorie des “diplômes professionnels” dans le cadre de la mise en œuvre du vaste programme législatif baptisé “One Big Beautiful Bill” qui modifie en profondeur les règles de financement des études supérieures et des prêts étudiants.
La mesure, qui pourrait limiter l’accès des infirmières et infirmiers à certains types de prêts fédéraux, provoque une vive réaction dans le secteur de la santé, alors même que les États-Unis affrontent une pénurie historique de personnel infirmier.
Un changement réglementaire lourd de conséquences
Selon Newsweek, la nouvelle définition du Département de l’Éducation restreint désormais les “diplômes professionnels” aux domaines traditionnels comme la médecine, la pharmacie, le droit, la dentisterie, l’optométrie, la médecine vétérinaire, la psychologie clinique, la théologie, l’ostéopathie, la podiatrie et la chiropraxie.
Cette nouvelle classification exclut des professions essentielles comme les infirmiers praticiens, les assistants médicaux, les physiothérapeutes et les audiologistes — pourtant indispensables au fonctionnement du système de santé américain.
Or, cette définition détermine l’accès au plafond de 200 000 dollars de prêts fédéraux réservé aux étudiants inscrits dans un “programme professionnel”. Les étudiants en sciences infirmières — y compris au niveau avancé (Master, DNP, Ph.D.) — n’y auront donc plus accès.
Des inquiétudes sur la formation et la capacité du système de santé
Les associations professionnelles se disent alarmées. Selon l’American Nurses Association (ANA), plus de 260 000 étudiants sont actuellement inscrits dans des programmes de licence (Bachelor of Science in Nursing – BSN), et plus de 42 000 dans des programmes de niveau associé (ADN).
Dans une déclaration rapportée par Nursing World, la présidente de l’ANA, Jennifer Mensik Kennedy, prévient que les infirmières représentent le pilier du système national de santé. Au moment où le pays traverse une pénurie historique de personnel, limiter l’accès au financement pour les études supérieures menace, selon elle, “les fondations mêmes des soins aux patients”.
Elle souligne également que, dans de nombreuses communautés rurales ou défavorisées, les infirmiers praticiens sont parfois les seuls prestataires de soins primaires disponibles.
L’administration Trump dénonce une “fausse controverse”
Face à la colère croissante, l’administration répond par le déni. Ellen Keast, porte-parole du Département de l’Éducation pour l’enseignement supérieur, affirme à Newsweek qu’il s’agit de “fake news dans toute sa splendeur”. Elle ajoute que le Département a toujours eu une définition cohérente de ce qu’est un diplôme professionnel et accuse certains établissements de s’indigner de réglementations qui n’ont jamais existé, notamment parce que “leur accès illimité à l’argent du contribuable est terminé”.
Selon Mme Keast, la définition refléterait un “consensus” entre le gouvernement et les universités ayant participé au processus réglementaire.
Pour les experts, une décision “incompréhensible” et “dévastatrice”
Pour de nombreux spécialistes du système de santé, la décision relève d’une méconnaissance profonde des besoins du pays.
Patricia (Polly) Pittman, professeure de politiques de santé à l’Université George Washington, estime qu’il s’agit d’un “coup de poing dans l’estomac pour la profession infirmière”. Elle juge que le gouvernement devrait chercher des moyens de retenir les infirmières plutôt que d’ériger des barrières supplémentaires. Au-delà du niveau symbolique, elle y voit surtout “un obstacle majeur à la formation dans un secteur déjà en pénurie”.
Elle rappelle que les possibilités d’évolution — de LPN à ADN, de BSN à infirmier praticien — constituent l’un des moteurs principaux de la fidélisation de la main-d’œuvre.
Pour Olga Yakusheva, professeure de sciences infirmières à l’Université Johns Hopkins, la conséquence sera immédiate : moins d’infirmières pourront se permettre une formation avancée. Cela réduira, selon elle, la capacité des programmes universitaires à former les futures générations. Elle prédit également une aggravation de la pénurie en soins primaires, en particulier dans les régions qui souffrent déjà d’un manque chronique de médecins.
Le témoignage de terrain : frustration et sentiment d’injustice
Sur TikTok, une infirmière du New Jersey résume la colère ressentie par une grande partie de la profession. Dans une vidéo devenue virale, elle dresse le bilan de sa carrière : dix ans d’études, 210 000 dollars de dettes, 15 ans d’expérience en traumatologie et en service d’urgence. Elle conclut avec amertume que son diplôme n’est désormais plus considéré comme professionnel et craint que cette décision puisse “laisser le pays avec un million d’infirmières en moins”.
Un impact national sur l’accès aux soins
Les experts interrogés par Newsweek sont unanimes : en excluant les sciences infirmières des diplômes professionnels, l’administration Trump risque de créer un effet domino : réduction des inscriptions dans les programmes avancés, baisse des capacités d’enseignement, moins de diplômés infirmiers au niveau licence et associé, hausse des coûts de main-d’œuvre, dépendance accrue aux infirmières formées à l’étranger et pressions plus fortes sur les hôpitaux et cliniques.
Antonia Villarruel, doyenne de l’École des sciences infirmières de l’Université de Pennsylvanie, résume la gravité de la situation : ne pas inclure les sciences infirmières comme diplôme professionnel n’est pas seulement une offense à la profession la plus respectée du pays, mais constitue selon elle “un coup sérieux porté à la santé de notre nation”.
Une mise en œuvre prévue pour 2026
Selon l’organisation New America, les nouvelles mesures — y compris les plafonds de prêts et la nouvelle définition d’un “programme professionnel” — entreront en vigueur le 1er juillet 2026.
En attendant, les groupes professionnels, associations de défense, écoles de santé et experts universitaires prévoient une bataille réglementaire et politique intense pour obtenir un recul du gouvernement.



