Après le Salvador, les États-Unis prévoient maintenant de renvoyer des migrants vers la Libye

Emmanuel Paul
Credit: Reuters

L’administration Trump poursuit son offensive contre l’immigration clandestine.

Suite à la controverse suscitée par le transfert de Vénézuéliens vers un établissement pénitentiaire de haute sécurité au Salvador, elle projette maintenant d’expulser un groupe de migrants vers la Libye… à bord d’un avion militaire américain.

Cette initiative, dévoilée par le New York Times, représenterait une nouvelle étape dans la politique d’expulsion du gouvernement Trump. D’après des fonctionnaires américains s’exprimant sous couvert d’anonymat, ce vol pourrait décoller dès mercredi, bien que des complications logistiques ou diplomatiques puissent encore retarder l’opération.

Cette décision soulève l’indignation. La Libye est déchirée par des conflits internes et héberge un réseau étendu de centres de détention pour migrants, régulièrement critiqués pour leur cruauté. Dans un rapport de 2021, Amnesty International a décrit ces installations comme un « paysage infernal », documentant des cas d’agressions sexuelles sur des hommes, des femmes et des enfants. Le Global Detention Project rapporte également des actes de torture, de travail forcé et même d’esclavage.

Le Département d’État américain met d’ailleurs en garde contre tout déplacement en Libye, citant « le terrorisme, les mines terrestres, les enlèvements et les conflits armés ». Néanmoins, l’administration reste inflexible dans sa volonté d’envoyer un message clair : aucun migrant n’est à l’abri d’une expulsion, même vers des pays considérés comme dangereux.

Frédéric Wehrey, expert de la Libye au Carnegie Endowment for International Peace, a exprimé sa vive inquiétude : « J’ai vu de mes propres yeux ces prisons pour migrants, et ce ne sont pas des endroits faits pour des êtres humains vulnérables. C’est tout simplement horrible », a-t-il déclaré au New York Times.

Cette politique s’inscrit dans une stratégie plus globale de l’administration Trump, visant à établir des partenariats bilatéraux pour externaliser la détention des migrants. Après l’accord avec le Salvador, où des Vénézuéliens ont été emprisonnés dans des conditions extrêmes, le secrétaire d’État Marco Rubio a déclaré au New York Times : « J’ai l’intention de continuer à identifier des pays prêts à accueillir et à enfermer autant de membres de gangs que possible. »

La Libye, déchirée entre un gouvernement reconnu par l’ONU à Tripoli et une administration rivale à l’Est sous le commandement du général Khalifa Haftar, ne dispose d’aucun système judiciaire fiable pour gérer les affaires d’immigration. Le Département d’État américain reconnaît lui-même dans son rapport annuel que les centres de détention libyens sont « impitoyables et mettent en danger la vie humaine » et que les détenus — incluant les enfants — « sont privés de tout accès à une procédure judiciaire ou à des tribunaux compétents. »

L’implication du Pentagone dans cette initiative est significative. Selon le New York Times, des avions militaires ont déjà transporté des migrants vers l’Inde, le Guatemala et l’Équateur.

Si cette déportation vers la Libye se concrétise, elle représentera un virage inquiétant dans l’approche américaine envers les demandeurs d’asile et les migrants. Elle soulèvera également des questions juridiques et éthiques cruciales, tant sur le plan national qu’international.

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