Depuis l’entrée en fonction du gouvernement travailliste, plus de 600 Brésiliens, dont 109 enfants, ont été discrètement expulsés du Royaume-Uni à bord des plus grands vols charters du ministère de l’intérieur de l’histoire.
Ces trois vols, effectués dans le plus grand secret, ont suscité de vives critiques de la part de groupes de défense de l’Amérique latine et d’experts juridiques.
Les déportations ont eu lieu le 9 août, le 23 août et le 27 septembre 2024, avec respectivement 205, 206 et 218 personnes. Chaque vol comprenait des enfants qui, dans de nombreux cas, avaient passé la majeure partie ou la totalité de leur vie au Royaume-Uni, étaient intégrés dans des écoles et faisaient partie d’unités familiales. Cette opération sans précédent a suscité l’indignation des organisations de défense des droits de l’homme et soulevé des questions sur les méthodes du ministère de l’intérieur.
Retours volontaires ou décisions forcées ?
Alors que le ministère de l’intérieur qualifie ces expulsions de “volontaires”, les incitations proposées soulèvent des inquiétudes quant à la véritable nature de ces départs. Les familles auraient reçu jusqu’à 3 000 livres sterling par personne, y compris les enfants, au moyen de cartes préchargées qui pouvaient être activées à l’arrivée au Brésil.
Les chiffres officiels montrent une augmentation globale des retours forcés et volontaires, avec 8 308 renvois entre juillet et septembre 2024, soit une augmentation de 16 % par rapport à l’année précédente. Les retours volontaires ont représenté 6 247 de ces cas, soit une augmentation de 12 %. Bien que le gouvernement ait mis l’accent sur ces chiffres, il est resté remarquablement silencieux sur le fait que le Brésil est la principale destination de ces vols.
Impact sur les familles vulnérables
Des groupes de défense tels que la Coalition des Latino-Américains au Royaume-Uni (CLAUK) ont fait part de leurs vives inquiétudes concernant ces renvois, notamment en raison du manque de transparence. Ils affirment que les obstacles systémiques, y compris l’accès inadéquat à des conseils juridiques en portugais et la désinformation sur les règles d’immigration post-Brexit, ont laissé de nombreux Brésiliens vulnérables.
“Les Brésiliens sont confrontés à des obstacles importants pour accéder à des informations de qualité et à des conseils juridiques accrédités, en particulier dans leur propre langue”, a déclaré CLAUK. Bon nombre des personnes expulsées étaient arrivées par le biais de la migration ascendante depuis des pays de l’UE, avant de se retrouver empêtrées dans des politiques d’immigration sévères après le Brexit.
Une tendance particulièrement alarmante est le risque accru auquel sont confrontées les femmes brésiliennes qui subissent des violences basées sur le genre. Les organisations de défense des droits ont mis en évidence des cas où les femmes n’ont pas pu échapper à des relations abusives parce que leurs partenaires ont utilisé leur statut d’immigré comme moyen de pression.
“Ces femmes sont souvent piégées par des partenaires violents qui utilisent leurs passeports britanniques ou européens comme outils de contrôle, ne leur laissant aucune voie viable vers la sécurité ou l’établissement”, a souligné CLAUK.
Un cas concret
Un exemple poignant est celui d’une mère et de ses deux fils, dont l’un a des besoins éducatifs particuliers. Fuyant la violence domestique, ils ont été contraints de se déplacer entre trois logements temporaires avant de se voir refuser la concession pour les migrants victimes de violence domestique. N’ayant aucun recours légal pour rester au Royaume-Uni, la famille a finalement été expulsée vers le Brésil.
Ces cas soulèvent des questions troublantes : combien de personnes expulsées voulaient réellement partir et combien se sont senties obligées de le faire en raison de défaillances systémiques ?
Des politiques d’immigration équitables
Les groupes de défense des droits de l’homme réclament des voies d’accès plus équitables à la citoyenneté et à l’installation pour les immigrés qui se sont établis au Royaume-Uni. “Le gouvernement doit répondre à nos demandes de voies équitables, abordables et sûres vers la citoyenneté et l’établissement pour les nombreuses communautés qui se sont enracinées dans ce pays”, affirme CLAUK.
Ce plaidoyer souligne l’inquiétude croissante des communautés immigrées qui estiment que les politiques actuelles ne reconnaissent pas leurs contributions et les difficultés auxquelles elles sont confrontées.
Le gouvernement justifie les expulsions
Le ministère de l’intérieur a défendu ses actions en mettant l’accent sur une initiative plus large visant à augmenter les expulsions de ceux qui n’ont “pas le droit d’être au Royaume-Uni”.
Un porte-parole a déclaré : “Nous sommes déjà en train de mettre en œuvre notre plan d’accélération des expulsions de ceux qui n’ont pas le droit d’être au Royaume-Uni, les expulsions de délinquants étrangers et de demandeurs d’asile déboutés ayant atteint leur niveau le plus élevé depuis une demi-décennie”.
Le gouvernement affirme que ces expulsions réduiront la charge financière de l’État, notamment la dépendance à l’égard des hôtels pour l’hébergement des demandeurs d’asile. Les autorités estiment que ces mesures pourraient permettre d’économiser 4 milliards de livres sterling au cours des deux prochaines années.
Critique du secret et de la surveillance
Le secret qui entoure ces vols a suscité une nouvelle vague d’indignation. Les groupes de défense latino-américains affirment que ces renvois à grande échelle auraient dû faire l’objet d’un examen et d’un contrôle publics plus approfondis.
“Il s’agit de vols historiques, et pourtant le public ne sait presque rien des circonstances qui ont conduit à ces déportations massives”, a fait remarquer un militant.
Le coût humain
La question la plus importante reste posée : Quel est le coût humain de ces politiques ? Les familles déchirées, les enfants arrachés à leur école et les personnes contraintes de retourner dans des situations précaires dans leur pays d’origine sont autant de rappels brutaux de la complexité de l’application des lois sur l’immigration.
Alors que les groupes de défense continuent de réclamer transparence et réforme, les expériences de ces Brésiliens expulsés soulignent la nécessité d’une approche plus humaine et plus équitable de la politique d’immigration.
Cet article s’appuie sur un reportage de Diane Taylor pour The Guardian.