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Comprendre le statut d'”immigrants sans papiers” aux États-Unis

Emmanuel Paul
Emmanuel Paul - Journalist/ Storyteller

Depuis la réélection de Donald Trump à la présidentielle américaine, de nombreuses personnes n’ayant pas les documents d’immigration appropriés vivent dans la peur.

Lors de sa campagne électorale, Donald Trump a promis une déportation massive de plus de 11 millions de sans-papiers aux États-Unis. Une promesse qui sera difficile, sinon impossible, à tenir.

Considérons que le président d’extrême droite américaine aurait vraiment la capacité de tenir cette promesse de campagne. Quels groupes d’immigrants seraient réellement impactés par cette mesure ? Qui est considéré comme “sans-papiers” aux États-Unis ?

Si vous suivez les débats dans les médias américains, vous remarquerez certainement que divers termes sont utilisés pour décrire ou qualifier les citoyens étrangers vivant aux États-Unis sans les documents appropriés.

Si vous écoutez les médias de droite, généralement “anti-immigrants”, vous entendrez des termes comme “immigrants illégaux”. Certains vont jusqu’à utiliser le terme très dérogatif illegal alien, traduit en français par “étranger clandestin”. Cependant, le sens péjoratif en anglais est encore plus offensant que la traduction française, qui reste approximative.

De l’autre côté, si vous écoutez les médias dits de “gauche” — ce qui est une absurdité puisqu’il n’y a pas de médias de gauche à proprement parler aux États-Unis, si l’on considère le sens idéologique du terme d’un point de vue sociologique — vous entendrez plutôt le mot anglais undocumented immigrants, traduit littéralement par “immigrants sans papiers”.

Considérant la question du point de vue d’un “étranger” pour qui les deux termes pourraient être facilement utilisés de manière interchangeable, je vous dirai catégoriquement qu’il s’agit de médias de droite, d’extrême droite ou de “gauche”. Tous les termes utilisés véhiculent une certaine forme de dédain ou de haine envers les immigrants, qui pourtant sont essentiels, sinon incontournables, pour la survie des États-Unis.

Presque toutes les personnes arrivées aux États-Unis, quelle que soit la voie, possèdent une forme de documents pour les identifier. Ces documents peuvent ne pas être reconnus aux États-Unis puisque chaque pays a ses propres principes en matière de documentation, mais on ne peut pas qualifier de “sans-papiers” une personne qui est arrivée aux États-Unis avec son passeport ou d’autres formes de documents.

Cependant, il faut reconnaître, pour être juste et équitable, qu’il existe des cas où des personnes arrivent à la frontière sud sans aucun document en leur possession au moment de leur admission ou de leur arrestation.

Au niveau de la rédaction de CTN, nous utilisons de préférence le terme “personnes n’ayant pas les documents appropriés aux États-Unis”. Bien qu’il faille reconnaître que même l’utilisation de ce terme peut faire l’objet de débats.

Suivant que vous utilisez les termes illegal alien = étranger illégal, undocumented immigrants = immigrants sans documents ou people without appropriate documents = personnes n’ayant pas les documents appropriés, l’objectif de ce texte est de vous aider à mieux comprendre et à avoir une réponse plus claire à la question : qui est considéré comme illégal ou sans documents appropriés au regard de l’immigration américaine, en mettant l’accent sur les faits, les chiffres et leur pertinence pour la communauté haïtiano-américaine.

Qui est considéré comme sans papiers ?

Une personne est qualifiée de “sans papiers” lorsqu’elle réside aux États-Unis sans avoir de statut légal approprié. Cela peut se produire dans plusieurs situations :

  • Entrée sans inspection ou documents officiels : Certaines personnes traversent les frontières sans passer par un point de contrôle autorisé.
  • Dépassement de la durée d’un visa : Les visiteurs entrant légalement aux États-Unis, par exemple avec des visas touristiques ou étudiants, peuvent perdre leur statut légal s’ils restent au-delà de la durée autorisée.
  • Non-respect d’un ordre d’expulsion : Certains restent dans le pays malgré une décision de la cour ordonnant leur départ.
  • Violation des conditions d’entrée légale : Cela inclut des cas comme travailler avec un visa qui interdit toute activité professionnelle rémunérée.

Cette liste est loin d’être exhaustive. Il y a beaucoup d’autres catégories. Il y a aussi le fait que quelqu’un peut être considéré comme “légal” aujourd’hui et devenir “illégal” demain.

Cette situation peut arriver dans les cas où une personne est bénéficiaire d’un statut dans le cadre d’un programme limité dans le temps, tel que le programme de libération conditionnelle ou le statut de protection temporaire (TPS).

Si ces programmes spéciaux ne sont pas renouvelés et que le bénéficiaire n’a rien fait pour changer de statut, il ou elle pourrait facilement tomber dans la catégorie d’immigrants sans papiers.

Comprendre les différentes catégories de statut d’immigration

Les catégories de statuts d’immigration

Comprendre les différentes catégories de statut d’immigration est essentiel pour mieux appréhender la complexité du système américain. Voici un aperçu des statuts principaux :

  1. Résidents permanents légaux (LPR)
    Communément appelés « détenteurs de carte verte », ces individus ont le droit de vivre et de travailler de manière permanente aux États-Unis. Ce statut est généralement acquis par le biais de la famille, d’un emploi ou du programme de loterie des visas pour la diversité.
  2. Statut de protection temporaire (TPS)
    Ce statut, très pertinent pour la communauté haïtienne, offre une protection temporaire aux ressortissants de certains pays confrontés à des catastrophes naturelles, des conflits armés ou d’autres circonstances extraordinaires. Actuellement, environ 156 000 Haïtiens bénéficient de ce programme.
  3. Titulaires de visas de non-immigrant
    Ces visas incluent :

    • Les étudiants internationaux (F-1)
    • Les travailleurs temporaires (H-1B pour les professions spécialisées, H-2A pour les travailleurs agricoles, H-2B pour les autres travaux saisonniers)
    • Les touristes et voyageurs d’affaires (B-1/B-2).
      Ces statuts sont souvent limités en durée et en activités autorisées.
  4. Demandeurs d’asile
    Les personnes fuyant des persécutions ou des menaces graves dans leur pays d’origine peuvent demander une protection aux États-Unis. Cependant, le processus d’asile est complexe et long, avec des taux d’approbation variables selon les cas.
  5. Bénéficiaires du programme DACA
    L’Action différée pour les arrivées d’enfants (Deferred Action for Childhood Arrivals) protège temporairement les jeunes arrivés aux États-Unis en tant qu’enfants sans statut légal. Bien que ce programme ait été remis en question, il demeure une bouée de sauvetage pour des centaines de milliers de jeunes adultes.

Données démographiques et impact économique

Les immigrés sans papiers représentent une part significative de la population et de l’économie américaines. En 2022, on estimait leur nombre à environ 11,4 millions. Cette communauté joue un rôle crucial dans plusieurs secteurs économiques essentiels :

Principaux secteurs d’emploi

  • Agriculture : Les immigrés sans papiers constituent environ 13-15 % de la main-d’œuvre agricole, récoltant fruits, légumes et autres produits essentiels.
  • Construction : Ils représentent environ 15-17 % des travailleurs dans ce secteur, contribuant à bâtir des infrastructures clés.
  • Hôtellerie et restauration : Près de 8-10 % des employés de ce secteur crucial sont sans papiers, assurant des services essentiels dans les hôtels et restaurants.
  • Industrie manufacturière : 6-8 % des travailleurs industriels non spécialisés sont également issus de cette communauté.

Contributions économiques

  • Produit intérieur brut (PIB) : Les immigrants sans papiers contribuent environ 1,1 billion de dollars par an à l’économie américaine.
  • Sécurité sociale : Ils versent environ 13 milliards de dollars par an, malgré le fait qu’ils ne puissent pas prétendre à des prestations.
  • Taxes locales et étatiques : Environ 11,6 milliards de dollars sont collectés chaque année grâce à leurs contributions fiscales.

L’impact sur le marché du travail

Les immigrés “sans papiers” répondent souvent à des besoins pressants sur le marché du travail, notamment dans des secteurs confrontés à des pénuries de main-d’œuvre. Ils occupent fréquemment des emplois que beaucoup d’Américains refusent en raison de leur nature exigeante ou peu rémunératrice.

Les industries qui dépendent fortement de cette main-d’œuvre incluent :

  • Travail agricole saisonnier : Essentiel pour les récoltes.
  • Transformation des aliments : Travail dans les abattoirs, usines de conditionnement et autres.
  • Entretien des bâtiments et services de nettoyage : Un domaine où les besoins ne cessent de croître.
  • Soins de santé et services à la personne : Aide aux personnes âgées ou malades, souvent en tant qu’aides-soignants à domicile.
  • Garde d’enfants : Fournir un soutien indispensable aux familles en travaillant comme nounous ou assistantes.

Idées reçues et statistiques criminelles

Les préjugés envers les immigrants en situation irrégulière  incluent souvent des accusations de hausse de la criminalité. Cependant, les recherches montrent régulièrement qu’ils sont moins susceptibles de commettre des crimes que les citoyens américains :

  • Une étude de l’Institut Cato en 2020 révèle que, au Texas, le taux de condamnation des immigrants sans papiers était inférieur de 45 % à celui des Américains natifs.
  • La majorité des arrestations impliquant des immigrés sans papiers sont liées à des violations des lois sur l’immigration, et non à des infractions criminelles.

Ces statistiques mettent en lumière l’importance de séparer les faits des stéréotypes souvent relayés dans les discours publics.

L’impact sur la communauté haïtienne

Pour la communauté haïtienne, la situation des immigrants en situation irrégulière aux Etats-Unis  est une réalité omniprésente.

Selon les données disponibles sur le cite internet uscis.gov, environ 200 000 Haïtiens aux États-Unis bénéficient du statut de TPS, ce qui leur offre une protection temporaire contre l’expulsion tout en leur permettant de travailler légalement.

Cependant, pour beaucoup d’autres, le parcours reste semé d’embûches. Les défis incluent :

  • Risque de séparation familiale : La peur constante de la déportation divise souvent les familles.
  • Difficulté d’accès aux services essentiels : Les personnes sans statut légal hésitent souvent à demander des soins de santé ou une aide sociale, de peur d’attirer l’attention des autorités.
  • Stigmatisation : Les idées fausses sur les immigrés sans papiers, notamment celles concernant leur contribution économique et sociale, affectent leur quotidien.

Perspectives d’avenir et recommandations

Pour les membres de la communauté haïtienne cherchant à ajuster leur statut ou aider leurs proches, il est crucial de rester informé des politiques et des programmes disponibles. Voici quelques étapes clés :

  1. Consulter un avocat en immigration qualifié : Les lois sur l’immigration changent fréquemment, et une assistance professionnelle est essentielle.
  2. S’informer sur les programmes de régularisation : Bien que rares, certains programmes offrent des opportunités pour obtenir un statut légal, notamment pour les travailleurs essentiels ou les bénéficiaires de TPS.
  3. Rejoindre des organisations communautaires : Ces groupes peuvent offrir un soutien moral, des ressources juridiques et des informations actualisées.

L’immigration sans papiers est un sujet complexe et crucial, en particulier pour les membres de la communauté haïtienne-américaine.

En comprenant mieux les faits, les implications légales et économiques, ainsi que les ressources disponibles, chaque individu peut contribuer à renforcer non seulement sa propre situation, mais aussi celle de la communauté dans son ensemble.

Il faut noter que les avis émis dans cet article sont le fruit de recherches provenant de diverses sources faisant autorité en matière de questions migratoires aux États-Unis. Ce texte ne constitue en rien un conseil juridique.

Toute personne se trouvant dans l’une des catégories expliquées dans ce texte devrait impérativement contacter son avocat ou des organisations à “but non lucratif” offrant des services en matière d’immigration.

Sources:

https://www.uscis.gov/humanitarian/temporary-protected-status

https://immigrationforum.org/article/fact-sheet-temporary-protected-status/?gad_source=1&gclid=Cj0KCQiAr7C6BhDRARIsAOUKifh1n2_m6hhB3ygIfYSwdASp5pg0AjSm7OVi7ZcNwCeHL4Afy7E_9nAaAr-aEALw_wcB