Raid d’ICE dans un car wash d’Allston-Brighton : neuf travailleurs détenus, l’une des plus grosses opérations de l’année dans le quartier

Emmanuel Paul
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Emmanuel Paul
Journalist/ Storyteller
Emmanuel Paul est un journaliste chevronné et un conteur accompli, animé par un engagement profond envers la vérité, la communauté et l’impact social. Il est le...

Une opération d’Immigration and Customs Enforcement (ICE) menée mardi matin à l’Allston Car Wash, sur Cambridge Street, a abouti à l’interpellation de neuf travailleurs.

Réalisée le jour de l’élection, l’intervention a pris de court les riverains et les propriétaires de l’établissement. Liz Breadon, conseillère municipale qui représente Allston-Brighton au Conseil municipal de Boston, l’a qualifiée de plus importante opération connue dans le quartier cette année. « À ma connaissance, c’est la plus grande rafle d’immigration dans mon district sous l’administration Trump », a-t-elle indiqué.

Selon Mike Delaney, copropriétaire d’Allston Car Wash, neuf employés ont été conduits par des agents fédéraux peu après l’ouverture, alors que certains nettoyaient l’intérieur de véhicules de clients. « Notre principale inquiétude concerne nos employés qui ont été détenus », a-t-il déclaré à GBH News. « Nous ne voulons rien faire qui remue le nid de guêpes… C’était assez fou. » Delaney a précisé que l’opération s’est achevée vers 11 heures, avant de refuser d’aller plus loin dans les détails, par crainte de compromettre la situation de ses employés arrêtés.

ICE et le Department of Homeland Security (DHS) n’avaient pas répondu, dans l’immédiat, aux sollicitations des médias concernant les motifs d’arrestation, le statut exact des personnes interpellées ou les lieux de détention.

Arrivée sur place aux alentours de 10 h 45, la conseillère Liz Breadon a confirmé avoir vu des véhicules quittant le parking avec des personnes à l’intérieur. D’après ses informations, toutes les personnes interpellées « avaient de la documentation — carte verte, permis de travail ou équivalent — mais on ne les a pas laissées aller chercher leurs papiers ». Breadon a également raconté avoir aperçu ce qu’elle estime être un véhicule d’ICE, « un SUV noir aux vitres teintées, immatriculé au Texas ». « Quelqu’un a parlé de jusqu’à 17 voitures ; je ne peux pas confirmer ce nombre, mais c’était très important pour Allston-Brighton », a-t-elle ajouté.

Une communauté à vif : familles touchées et solidarité locale

Sur le terrain, des membres de la communauté et des volontaires du LUCE Immigrant Justice Network of MA se sont présentés après la rafle pour documenter l’opération et recueillir des témoignages. Heloisa Galvão, directrice et cofondatrice du Brazilian Women’s Group, a expliqué que trois personnes d’une même famille font partie des détenus. Elle a souligné qu’aucun Brésilien n’a été arrêté et que les personnes interpellées seraient des ressortissants guatémaltèques. « C’est révoltant ce que le gouvernement fait. On ne peut plus supporter ça », a-t-elle lancé.

Breadon s’est, elle aussi, dite préoccupée par l’impact humain : « C’est très éprouvant parce que ce sont des membres de notre communauté. Leurs enfants vont à nos écoles, ils fréquentent nos églises. Ce sont des travailleurs qui essaient simplement d’offrir une vie meilleure à leur famille. »

Cette opération intervient alors qu’ICE a mené plusieurs actions d’envergure au Massachusetts ces derniers mois, dont « Operation Patriot 2.0 » en septembre, au cours de laquelle l’agence a annoncé plus de 1 400 arrestations sur le mois, dont plus de 600 visant des personnes avec condamnations ou inculpations graves. Les arrestations ciblées sur le lieu de travail demeurent l’un des instruments les plus visibles et controversés de l’application des lois sur l’immigration, en particulier lors de périodes politiquement sensibles comme le jour d’un scrutin.

À ce stade, GBH News n’a pas été en mesure d’identifier immédiatement les personnes arrêtées. Le copropriétaire du car wash a refusé de donner des précisions sur l’identité des employés, préférant privilégier leur protection juridique et leur sécurité.

Les opérations sur les lieux de travail soulèvent des questions récurrentes : accès aux documents d’identité conservés dans les casiers, présence ou non d’un mandat et portée des contrôles effectués par les agents. Selon le récit de l’élue, les travailleurs n’auraient pas été autorisés à récupérer leurs papiers, un point qui pourrait devenir central si des avocats contestent la procédure.

Les organisations communautaires rappellent que les travailleurs — même en situation irrégulière — disposent de droits lors des contrôles (notamment le droit de se taire et de demander un avocat), et qu’il est conseillé aux familles de préparer des plans d’urgence (contacts, procurations parentales, dossiers médicaux).

L’absence de réponse officielle d’ICE et du DHS laisse en suspens des questions essentielles : sur quelles bases juridiques les neuf travailleurs ont-ils été appréhendés ? Ont-ils été transférés vers un centre de détention en dehors de Boston ? Quelles charges sont envisagées par les procureurs fédéraux de l’immigration ?

En règle générale, après une interpellation, les personnes sont identifiées, entendues et orientées soit vers une libération sous conditions (parole, bracelet électronique, caution), soit vers une procédure d’expulsion avec comparution devant un tribunal de l’immigration.

Impacts sur les employeurs et la communauté

Pour les employeurs, ces interventions créent un climat d’insécurité : crainte de voir des équipes décimées, pertes d’exploitation, réputation ternie, mais aussi ambiguïtés réglementaires sur les obligations de vérification (formulaires I-9, système E-Verify) et sur la coopération à fournir lors d’un contrôle. Delaney, soucieux de préserver ses salariés, a insisté sur le souhait de ne pas envenimer la situation médiatiquement.

À Allston-Brighton, la journée s’est terminée dans un mélange de stupeur et de mobilisation. Les associations locales ont multiplié les appels à témoins, tandis que des familles se sont tournées vers des réseaux d’avocats et des collectifs de défense pour localiser leurs proches et connaître les démarches immédiates à entreprendre.

Pour Liz Breadon, l’enjeu dépasse le seul périmètre du car wash : « Nous parlons de voisins, de parents d’élèves, de paroissiens. C’est un choc pour tout le quartier. »

Par la rédaction — D’après GBH News et témoignages de Liz Breadon, conseillère municipale d’Allston-Brighton, Mike Delaney, copropriétaire d’Allston Car Wash, et Heloisa Galvão, directrice du Brazilian Women’s Group.

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