Ironie du sort : les partisans cubano-américains de Trump victimes du nouveau blocage migratoire

Emmanuel Paul
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Emmanuel Paul
Journalist/ Storyteller
Emmanuel Paul est un journaliste chevronné et un conteur accompli, animé par un engagement profond envers la vérité, la communauté et l’impact social. Il est le...
On October 14 in Miami, a group of Cuban-Americans gathered to voice their support for Republican presidential candidate Donald Trump. While the Cuban-American community has long been a loyal voting bloc for the GOP, especially due to its hardline stance on Cuba, newer generations appear increasingly detached from the party’s unwavering position on the U.S. embargo. credit: Cristobal Herrera / European Pressphoto Agency

Le président Donald Trump n’en finit pas de décevoir les électeurs cubano-américains ayant voté pour lui lors des dernières présidentielles de novembre 2024.

Moins d’un an plus tard, une partie de ces électeurs, convaincus d’avoir soutenu une politique qui protégerait leurs familles et leur ancrage aux États-Unis, se retrouve confrontée à une réalité plus dure : l’annulation du programme de regroupements familiaux pourtant attendus de longue date.

Des refus tombent au consulat, des rendez-vous sont reportés sine die, et l’angoisse gagne des foyers séparés des deux côtés du détroit de Floride.

Environ 110 000 personnes se voient désormais exposées au risque d’un renvoi vers l’île. Dans les consulats et services, la traduction concrète se lit dans les refus, ajournements et convocations annulées.

Dans des témoignages recueillis par la presse nationale cités par The Washington Post, la douleur prend un visage précis. Leymi Reyes Figueredo, immigrante cubaine légale aux États-Unis, raconte l’échec d’une démarche qu’elle croyait proche d’aboutir. Sa fille devait la rejoindre ; il ne manquait plus que l’aval de l’ambassade des États-Unis à La Havane. La décision négative est arrivée, sans appel immédiat : “Je comprends qu’il faille protéger le pays [mais] comment un enfant peut-il être un terroriste ?”, s’est-elle interrogée, selon ce qu’a rapporté The Washington Post.

La désillusion traverse d’autres foyers. Díaz Leal, un autre partisan de Trump, qui s’imaginait déjà accueillir son fils en Floride, tient à rappeler son vote et son attachement politique, tout en marquant une ligne rouge morale : “J’aime Trump. Mais je ne trouve pas cela juste.” Le conflit intime est net : fidélité au choix de 2024, mais refus d’en payer indéfiniment le coût humain.

Le cadre politique mis en cause est celui d’une restriction des voyages visant les ressortissants cubains, justifiée par l’exécutif au nom de la sécurité nationale. Selon les éléments avancés par la presse, ce tournant s’est doublé d’une remise en question des protections temporaires dont avaient bénéficié de nombreux Cubains déjà présents sur le territoire.

Face aux blocages, certains ont essayé la voie du droit. Un recours a été monté au nom de familles séparées, dans l’espoir d’obtenir une suspension des refus et un réexamen des dossiers. L’avocat à l’origine de l’initiative confie pourtant son étonnement devant la faible mobilisation des intéressés contre le pouvoir en place : “Je m’attendais à ce que beaucoup de Cubains participent à cette action en justice. Au final, ils disaient simplement : ‘Non, nous ne voulons pas poursuivre Trump.’” Entre loyauté politique et stratégie contentieuse, beaucoup hésitent à franchir un pas qu’ils jugent trop frontal.

D’autres, à l’inverse, misent sur la visibilité civique et l’interpellation symbolique. À Miami, des rassemblements pacifiques s’organisent pour raconter les séparations, montrer les documents, brandir les dossiers clos sans explication satisfaisante, dans l’espoir d’un infléchissement. William Suárez González en décrit la philosophie : “Nous l’avons fait de bonne foi, dans l’espoir d’attendrir le cœur de Donald Trump. L’épouse de M. Donald Trump est immigrée. Je ne comprends donc pas quel est le problème avec les immigrés qui essaient d’entrer légalement dans le pays.” L’argument est simple : rappeler la légalité des parcours, l’existence de procédures régulières et la dimension profondément familiale de ces dossiers.

Au-delà des cas individuels, c’est l’architecture des motifs de refus qui interroge. Les familles soulignent la généralisation de critères de suspicion appliqués indistinctement, sans appréciation fine des situations. Elles demandent des garde-fous : des critères clairs et publics d’admissibilité, des exemptions humanitaires pour les mineurs et les proches directs, ainsi que des calendriers prévisibles dans les postes consulaires. Faute de lisibilité, préviennent-elles, l’incertitude prolongée peut pousser certains vers des chemins plus risqués, loin des procédures légales qu’elles entendent pourtant respecter.

Cette tension se nourrit d’un paradoxe politique : la communauté cubano-américaine, historiquement anticastriste et souvent alignée sur la droite, a pesé pour une ligne migratoire de fermeté. Elle en constate aujourd’hui la portée concrète sur ses propres familles. Le débat traverse les foyers, les églises, les associations : faut-il maintenir le soutien public au pouvoir, ou revendiquer un ajustement pragmatique pour les cas familiaux qui respectent les règles ? En attendant un éventuel signal, beaucoup disent s’arc-bouter sur l’essentiel : préserver les liens, demander une fenêtre d’examen individualisée, éviter que des enfants, des conjoints et des parents ne restent bloqués alors qu’ils disposent d’un dossier en règle.

Sur les trottoirs de Miami, on prie, on plaide et on s’organise. Les veillées donnent un visage aux statistiques : des photos d’identité plastifiées, des dossiers rangés dans des pochettes transparentes, des numéros de reçus consulaires soigneusement consignés. Les organisateurs veulent tenir la durée, multiplier les relais, éditer des guides pratiques pour ne pas perdre la main sur le calendrier administratif. En filigrane, une conviction demeure : rendre visibles des histoires ordinaires pour faire bouger une politique publique qui, pour l’heure, reste campée sur la sécurité nationale.

Dans ce moment suspendu, les mots rapportés par la presse dessinent une ligne de fracture intime. “Je comprends qu’il faille protéger le pays [mais] comment un enfant peut-il être un terroriste ?” interroge Leymi Reyes Figueredo. “J’aime Trump. Mais je ne trouve pas cela juste,” tranche Díaz Leal. Et William Suárez González de marteler la demande de ceux qui continuent d’espérer : “Nous l’avons fait de bonne foi, dans l’espoir d’attendrir le cœur de Donald Trump.”

Tous ces immigrés d’origine cubaine ont une chose en commun : ils ont tous soutenu le candidat Donald Trump lors des présidentielles de novembre 2024. Aujourd’hui, beaucoup d’entre eux expriment leurs regrets et leurs frustrations face à la politique extrême de l’administration Trump, qui n’épargne même pas ses partisans immigrants.

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Crédit: We Got This Covered

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