Le département de l’Artibonite est devenu un épicentre de la violence armée en Haïti, selon le rapport publié le 9 octobre 2025 par le Réseau National de Défense des Droits Humains (RNDDH). Entre janvier et septembre 2025, au moins 24 massacres et attaques armées ont été recensés dans 25 localités réparties sur huit communes, faisant 84 morts, dont quatre policiers et deux agents de la Mission Multinationale d’Appui à la Sécurité (MMAS).
Certaines attaques ont été menées simultanément dans plusieurs zones, provoquant de nombreux blessés et des pertes matérielles importantes. Six institutions étatiques ont été vandalisées ou incendiées : trois commissariats, un sous-commissariat et deux tribunaux de paix. Des centaines de maisons ont été pillées ou brûlées, et de nombreux véhicules, y compris des blindés et des voitures de la police, ont été détruits. Trois prévenus se sont échappés lors d’un assaut contre le commissariat de Marchand-Dessalines.
Les communes les plus touchées sont Gros-Morne, La Chapelle, Liancourt, L’Estère, Marchand-Dessalines, Montrouis, Petite-Rivière de l’Artibonite et Verrettes. Petite-Rivière de l’Artibonite concentre huit attaques, devenant la zone la plus vulnérable. Le RNDDH note également un phénomène atypique : certaines communautés sont ciblées par des brigades d’autodéfense locales, accusées de ne pas contribuer aux efforts de sécurisation, comme l’a montré le massacre de Préval le 20 mai 2025.
Les conséquences pour la population sont sévères. Des milliers de personnes ont fui leurs foyers, des champs agricoles ont été abandonnés ou dévastés, et des moulins et commerces ont été détruits. La peur s’est installée dans les communautés, accentuée par les rançons et les exactions des gangs. Des conflits anciens, comme celui entre Piatre et Délugé à Montrouis, se sont transformés en affrontements armés prolongés, affectant durablement la vie locale.
Les autorités locales, judiciaires et policières reconnaissent que la situation est alarmante. La police, en manque de ressources humaines et matérielles, peine à contenir les assauts malgré un renforcement partiel de certaines unités spécialisées. Les tribunaux de paix et les parquets n’ont pas pu engager de procédures efficaces pour juger les responsables des crimes, laissant les populations sans protection juridique.
Face à cette crise, le RNDDH exhorte les autorités à agir immédiatement. Ses recommandations comprennent : fournir à la police les moyens nécessaires pour reprendre le contrôle de tout le territoire, rétablir des conditions de sécurité minimales pour permettre le retour des déplacés, assurer une assistance médicale, psychologique et financière aux victimes, et mettre à disposition les ressources d’intelligence pour surveiller et neutraliser les gangs armés.
Le rapport met en garde : sans intervention rapide, la violence armée pourrait s’étendre aux neuf autres communes de l’Artibonite et aux départements voisins, aggravant la crise sécuritaire dans le pays. L’Artibonite, autrefois considéré comme le grenier agricole d’Haïti, se retrouve aujourd’hui au centre d’une spirale de violence qui menace la stabilité de la région et la sécurité de ses habitants.