L’agence américaine d’immigration et des douanes (ICE) intensifie ses activités de surveillance numérique depuis son Centre National d’Analyse et de Ciblage Criminel (NCATC) situé à Williston, dans la périphérie de Burlington, Vermont.
D’après des documents d’appels d’offres fédéraux — initialement dévoilés par le magazine Wired, l’ICE projette d’embaucher au moins une douzaine de contractuels au Vermont et au moins 16 autres dans un établissement similaire à Santa Ana, en Californie, pour renforcer ses opérations d’arrestation et d’expulsion.
Le Centre de Williston est installé dans une zone industrielle discrète, le long d’Industrial Avenue, à proximité de l’aéroport Patrick Leahy Burlington International.
Si l’extérieur reste anonyme, le centre supervise en réalité les enquêtes pour toute la région Est des États-Unis, selon Wired.
Les documents examinés par Robinson révèlent que les analystes y produisent déjà des « leads » (pistes) pour le Bureau des Opérations d’Application et d’Éloignement de l’ICE : des informations exploitables sur le terrain pour localiser les personnes ciblées par des mesures d’expulsion ou d’autres actions coercitives.
Dans ses plans préliminaires publiés récemment, l’agence admet cependant avoir obtenu « un succès limité » jusqu’à présent dans l’exploitation des médias sociaux et autres sources du web public pour ses objectifs d’application de la loi.
Cette initiative demeure en phase expérimentale et de collecte d’informations complémentaires.
L’administration évalue la viabilité avant de lancer un appel d’offres qui détaille le soutien attendu d’un prestataire privé.
Ce dernier exploiterait Facebook, Instagram et X, ainsi que des bases de données commerciales, policières et fédérales, pour identifier « des individus qui présentent un danger pour la sécurité nationale, mettent en risque la sécurité publique ou, d’une autre manière, relèvent des priorités d’application de l’ICE« .
La collecte d’informations pourrait englober les publications, les géotags (emplacements liés aux posts) et les données sur les « associés » des personnes ciblées — proches, membres de la famille, collègues — pour établir leurs lieux de résidence et leurs schémas de déplacement, selon les documents.
Si le planning prévisionnel se confirme, le projet commencerait en mai 2026. Contacté par les médias, le service de presse de l’ICE n’a pas donné suite aux demandes de commentaires concernant le renforcement prévu à Williston et à Santa Ana.
Pour James Duff Lyall, directeur de l’American Civil Liberties Union (ACLU) du Vermont, l’expansion envisagée à Williston nécessite une surveillance accrue des autorités et du public. « Toute hausse de la présence ou de l’activité de l’ICE doit être passée au crible, au regard de son long historique d’abus, d’absence de responsabilité et de mépris de nos droits constitutionnels« , indique-t-il dans un communiqué au média. « Cela inclut l’élargissement annoncé de ses efforts de surveillance numérique, un projet qui sera doté de personnel « dans notre propre arrière-cour » et qui impliquera la surveillance de l’activité en ligne de larges pans du grand public« , a-t-il souligné.
L’intensification des activités s’inscrit dans une stratégie globale de centralisation du renseignement au sein de l’ICE, alors que l’administration Trump affirme vouloir intensifier l’exécution des priorités d’éloignement à l’échelle nationale. Dans ce contexte, les centres d’analyse de Williston et Santa Ana agissent comme des plateformes d’agrégation : ils fusionnent les informations issues des réseaux sociaux, registres publics et annuaires avec des bases de données spécialisées (dossiers pénaux, immigration, documents de voyage) pour établir des listes de cibles, guider les équipes ERO et synchroniser des opérations avec d’autres services.
Les données « associées » — relatives à la famille, la colocation, l’employeur — sont spécifiquement mentionnées dans les spécifications pour reconstituer des graphes relationnels facilitant le suivi administratif. Une méthode qui inquiète les défenseurs des libertés civiles, estimant que la surveillance d’innocents « de second cercle » élargit indûment le périmètre de l’intrusion.