La Cour suprême autorise la fin des protections TPS pour 300 000 Vénézuéliens

Emmanuel Paul
Par
Emmanuel Paul
Journalist/ Storyteller
Emmanuel Paul est un journaliste chevronné et un conteur accompli, animé par un engagement profond envers la vérité, la communauté et l’impact social. Il est le...
"MIAMI, FLORIDA - FEBRUARY 13: Laura Kelley, Miami-Dade County Democratic Party Chair, (2nd L) joins with others to support a resolution in favor of reinstating temporary protected status for Venezuelans on February 13, 2025 in Miami, Florida. In early February, President Donald Trump's administration revoked temporary protected status for around 350,000 Venezuelans who fled the country and immigrated to the United States. (Photo by Joe Raedle/Getty Images)"

La Cour suprême des États-Unis a donné son feu vert à l’administration Trump pour mettre un terme aux protections juridiques temporaires dont bénéficient plus de 300 000 Vénézuéliens au titre du Statut de protection temporaire (TPS).

En suspendant une décision d’un tribunal fédéral de district, la haute juridiction permet à la Maison Blanche de poursuivre l’extinction du programme pour cette population, selon les informations de CBS News. 

Dans une ordonnance non signée, la Cour a estimé que « bien que la position de l’affaire ait changé, les arguments juridiques des parties et les préjudices relatifs n’ont généralement pas changé. Le même résultat que nous avons obtenu en mai est approprié ici », a rapporté CBS News.

Les juges Elena Kagan et Sonia Sotomayor ont indiqué qu’elles auraient rejeté la demande d’aide d’urgence de l’administration, et la juge Ketanji Brown Jackson a exprimé sa dissidence. « Nous utilisons une fois de plus notre pouvoir d’équité (mais pas notre capacité à rédiger des opinions) pour permettre à cette Administration de perturber autant de vies que possible, le plus rapidement possible. Je considère la décision d’aujourd’hui comme un autre grave abus de notre registre d’urgence. »

Ce que change l’ordonnance

Par cette suspension, la Cour suprême neutralise l’effet d’un jugement rendu en septembre par le juge fédéral Edward Chen, qui avait conclu que le Department of Homeland Security (DHS) avait mis fin illégalement au TPS pour les Vénézuéliens.  En conséquence, l’exécutif peut poursuivre la suppression des protections qui autorisaient les bénéficiaires à résider et travailler aux États-Unis sans menace d’expulsion immédiate. C’est la deuxième fois que la haute cour valide, à ce stade procédural, la décision du DHS « de priver des centaines de milliers de Vénézuéliens de leurs protections juridiques temporaires », rappelle CBS News.

Ce même juge avait également rendu une décision en faveur des bénéficiaires haïtiens du statut de protection temporaire, mais l’adminiatration Trump n’avait pas fait appel de cette décision.

Ce dossier pourrait retourner devant le juge Edward Chen dans les prochains mois compte tenu du fait que le TPS des haïtiens arrive à expiration en février prochain. Le gouvernement devrait, dans un deélai de deux mois, annoncer sa décision concernant le statut de protection temporaire pour les haïtiens aux Etats-Unis.

Sur le plan politique, le DHS a salué l’ordonnance comme « une victoire pour le peuple américain et le bon sens ». L’agence a ajouté : « Le Statut de Protection Temporaire était censé être justement cela : temporaire. Pourtant, les administrations précédentes ont abusé, exploité et déformé le TPS en un programme d’amnistie de facto. »

En sollicitant la suspension, le solliciteur général D. John Sauer a soutenu que le tribunal de district n’était pas habilité à réviser la décision de la secrétaire à la Sécurité intérieure Kristi Noem d’annuler une prolongation du TPS pour le Venezuela, puis de révoquer la désignation du pays. Dans son mémoire, il affirme que la décision précédente « entrave d’importantes politiques d’application de l’immigration » en permettant à 300 000 Vénézuéliens de rester malgré la détermination de la secrétaire selon laquelle cela est « contraire à l’intérêt national ». Il a également reproché au juge Chen d’avoir méconnu l’autorité de la Cour suprême : « Les tribunaux inférieurs ne peuvent pas traiter les ordonnances de cette Cour comme valables uniquement pour une étape d’une seule affaire en évoquant des distinctions non pertinentes, en évaluant subjectivement la force de persuasion du raisonnement perçu de la Cour, ou en critiquant sa concision. »

Le juge Chen, lui, avait considéré que la décision de mai de la Cour — qui avait déjà permis à l’administration de mettre fin au TPS pendant la poursuite du litige — manquait de « toute justification spécifique » et ne l’empêchait pas de trancher sur le fond. Dans sa décision, il écrivait : « Cette affaire découle d’une action prise à la hâte par l’actuelle Secrétaire du DHS, Kristi Noem, pour révoquer le statut légal des détenteurs vénézuéliens et haïtiens du TPS, les renvoyant dans des conditions si dangereuses que même le Département d’État déconseille les voyages dans leurs pays d’origine. L’action de la Secrétaire révoquant le TPS était non seulement sans précédent dans la manière et la rapidité avec lesquelles elle a été prise, mais viole également la loi. »

Des vies « bouleversées », selon les plaignants

Sur le terrain, les associations de défense des bénéficiaires du TPS dénoncent une décision aux conséquences humaines immédiates.

L’Alliance nationale TPS, partie au dossier, a critiqué l’ordonnance. « C’est déchirant que les juges aient approuvé sans réserve l’annulation illégale de ce programme par cette administration. Cette décision va bouleverser la vie de centaines de milliers de détenteurs du TPS respectueux des lois et travailleurs comme moi », a déclaré dans un communiqué Cecilia Gonzalez, plaignante et membre de l’Alliance, installée aux États-Unis depuis 2017.

CBS News souligne que la demande de suspension s’inscrit dans une série de contentieux où l’exécutif accuse les juridictions inférieures d’ignorer les directives procédurales de la Cour suprême. En mai déjà, la haute cour avait autorisé la fin du TPS pour les Vénézuéliens durant le déroulement du procès, avant que le juge Chen ne statue sur le fond en sens inverse le mois dernier.

Le TPS en bref, et l’enchaînement des décisions

Créé par le Congrès en 1990, le TPS accorde, pour une période limitée (jusqu’à 18 mois, renouvelable), une protection contre l’expulsion et une autorisation de travail aux ressortissants de pays frappés par des conflits, des catastrophes naturelles ou d’autres conditions « extraordinaires et temporaires  » rendant le retour dangereux. CBS News rappelle que l’administration Biden avait désigné le Venezuela pour le TPS en mars 2021, avant d’en prolonger la durée.

Après l’entrée en fonction de la seconde administration Trump, la secrétaire Kristi Noem a annulé la prolongation de son prédécesseur puis a révoqué le programme pour le Venezuela, estimant que permettre aux migrants de rester temporairement aux États-Unis serait « contraire à l’intérêt national ». Selon l’argumentaire gouvernemental rapporté par CBS News, le TPS aurait permis à un nombre important de Vénézuéliens sans voie vers un statut légal durable de s’installer aux Etats-Unis.

L’ordonnance de la Cour suprême ne constitue pas un arrêt au fond, mais elle autorise l’exécutif à continuer d’appliquer sa politique le temps que le contentieux se dénoue définitivement.

D’ici là, la suspension des protections expose des centaines de milliers de personnes à la perte de leur autorisation de travail et à la reprise de procédures d’éloignement, note CBS News.

https://ctninfo.com/?p=37319&preview=true

Source: CBS News

Partager cet article