Le pape Léon a livré mardi sa critique la plus appuyée à ce jour de la politique migratoire américaine, en questionnant sa compatibilité avec l’éthique « pro-vie » revendiquée par la droite américaine.
Interrogé par des journalistes devant sa résidence de Castel Gandolfo, le pontife a lancé : « Quelqu’un qui dit : je suis contre l’avortement, mais j’approuve le traitement inhumain des immigrés aux États-Unis… je ne sais pas si c’est pro-vie », selon ce qu’a rapporté Reuters.
Cette prise de position, rare par sa netteté, intervient alors que la Maison Blanche défend le durcissement des expulsions sous l’égide du président Donald Trump.
Dans une réaction transmise aux médias, rapportée par le journal Reuters, la porte-parole Abigail Jackson a affirmé que le président avait été élu sur de multiples engagements, dont celui d’expulser des étrangers en situation irrégulière condamnés pour crime : « Il tient sa promesse au peuple américain. »
L’intervention du pape Léon s’articule autour d’un rappel doctrinal classique de l’Église, pour laquelle la vie humaine est sacrée « de la conception jusqu’à la mort naturelle ». Sans citer de responsables américains, il met en cause une logique à ses yeux contradictoire : « Celui qui dit : je suis contre l’avortement mais favorable à la peine de mort n’est pas vraiment pro-vie. »
Élu en mai pour succéder au pape François, Léon, premier pape originaire des États-Unis, adopte un style plus réservé que son prédécesseur, réputé pour ses prises de parole directes sur les questions sociales. Cette réserve n’empêche toutefois pas le souverain pontife d’avoir une position tranchée sur certaines questions sociales. « Je comprends la difficulté et les tensions, mais je pense — comme je l’ai déjà dit — qu’il est important d’examiner les nombreuses questions liées à l’enseignement de l’Église. »
Ce cadrage pastoral, qui privilégie une lecture d’ensemble, s’inscrit dans une ligne de continuité avec l’enseignement social catholique : l’attention aux plus vulnérables, la protection de la vie et la dignité de la personne humaine ne se déclinent pas à la carte. En la matière, le souverain pontife place la question migratoire au rang des tests de cohérence : le refus de « l’inhumain » ne saurait, selon lui, s’arrêter aux frontières.
Si le Saint-Siège n’a pas détaillé de revendications opérationnelles, la formulation — « traitement inhumain des immigrés aux États-Unis » — vient heurter de front la rhétorique d’une partie du camp « pro-vie » américain.
En répliquant que le président « tient sa promesse », la Maison Blanche assume la priorité donnée aux expulsions de personnes condamnées, dans un effort censé restaurer l’ordre public. Reste que le pape invite à dépasser une approche segmentée de l’éthique : défendre l’enfant à naître, mais tolérer des pratiques dégradantes vis-à-vis des familles migrantes, reviendrait à tronquer le principe même de la dignité humaine.
Pour les catholiques américains engagés dans l’espace public, le rappel papal risque d’alimenter les débats internes. Les partisans d’une stratégie centrée quasi exclusivement sur l’avortement y verront une dilution du message ; ceux qui militaient pour une approche intégrale de la vie y liront un appui de poids. En associant l’éthique de la vie à l’accueil de l’étranger et à la répudiation de la peine capitale, Léon replace l’action publique dans un cadre de cohérence plutôt que d’addition de marqueurs.
Sur le terrain, les conséquences immédiates dépendront des relais épiscopaux et des choix pastoraux locaux. Mais le signal envoyé depuis Castel Gandolfo est clair : à l’heure où les politiques d’immigration se durcissent, la boussole catholique exige d’examiner l’ensemble des pratiques à l’aune de la dignité. Et de rappeler que l’étiquette « pro-vie » perd son sens si elle s’accommode de traitements « inhumains » infligés à des familles en quête de sécurité.
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