La cour d’appel sauve Lisa Cook : Donald Trump échoue à destituer une gouverneure de la Fed à la veille d’un vote décisif

Emmanuel Paul
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 La cour d’appel fédérale a infligé un revers majeur au président Donald Trump en confirmant le maintien de Lisa Cook au sein du conseil des gouverneurs de la Réserve fédérale. Cette décision empêche, pour l’instant, la Maison-Blanche de remodeler l’institution monétaire la plus puissante du pays à son avantage.

Jamais depuis sa création en 1913, la Réserve fédérale n’avait été confrontée à une telle tentative d’ingérence politique.

Comme le rapporte l’Associated Press, « la campagne de la Maison-Blanche pour évincer Cook marque une tentative sans précédent de remodeler le conseil des gouverneurs de la Fed ».

Le 25 août, Donald Trump avait annoncé la révocation de Lisa Cook, invoquant des soupçons de fraude hypothécaire. Mais dès la semaine dernière, la juge fédérale Jia Cobb avait jugé la mesure illégale, estimant que les gouverneurs de la Fed ne pouvaient être destitués que  » pour cause » et uniquement en cas de fautes commises pendant leur mandat.

Trump, insatisfait, a immédiatement porté l’affaire en appel.

Ses avocats affirment que les accusations — bien qu’antérieures à sa prise de fonction en 2022 — « remettent indiscutablement en question la fiabilité de Cook et sa capacité à gérer de manière responsable les taux d’intérêt et l’économie ».

La cour d’appel, dans une décision rendue à deux voix contre une, a estimé au contraire que les droits fondamentaux de Cook avaient été bafoués : elle n’avait pas eu la possibilité de répondre officiellement aux accusations.

À l’origine de l’affaire se trouve Bill Pulte, un proche de Trump, qui accuse Cook d’avoir déclaré deux résidences principales en 2021 afin d’obtenir de meilleures conditions de crédit immobilier. Une pratique qualifiée de « fraude hypothécaire » par la Maison-Blanche.

Cook nie catégoriquement. Et les documents obtenus par l’Associated Press semblent affaiblir la version gouvernementale.

En mai 2021, l’économiste avait mentionné son appartement d’Atlanta comme « résidence de vacances » dans une estimation de prêt. Dans un autre document, requis pour une habilitation de sécurité, elle avait précisé qu’il s’agissait d’une « deuxième résidence ».

Une bataille politique à forts enjeux économiques

Cette décision intervient alors que la Fed s’apprête à abaisser son taux directeur de 4,3 % à 4,1 %, comme l’a laissé entendre son président Jerome Powell dans un discours très suivi le mois dernier.

Les marchés financiers ont déjà anticipé ce geste : les taux hypothécaires et les crédits automobiles sont en recul, et devraient encore baisser si la décision est confirmée, a informé l’Associated Press.

Mais le spectre d’une influence directe de la Maison-Blanche inquiète les économistes. « Si la Fed tombe sous le contrôle de l’exécutif, elle pourrait maintenir artificiellement ses taux bas pour répondre aux exigences politiques de Trump », ont t-il averti, selon l’AP. Cela risquerait d’alimenter une nouvelle poussée d’inflation et de faire grimper les taux à long terme, alourdissant les coûts d’emprunt pour l’État, les entreprises et les ménages, ajoutes les économistes.

Trump, de son côté, martèle depuis des mois que le taux directeur devrait être réduit  à 1,3 %, un niveau que n’approuve aucun des gouverneurs actuels ni la majorité des experts indépendants.

Alors que Cook remportait une victoire judiciaire, Trump a néanmoins pu compter sur ses alliés au Sénat. Lundi, les républicains ont confirmé la nomination de Stephen Miran à un siège vacant au conseil des gouverneurs de la Fed.

Lisa Cook, symbole d’un affrontement

Au-delà du bras de fer institutionnel, Lisa Cook incarne une figure symbolique : première femme noire à siéger au conseil des gouverneurs de la Réserve fédérale, diplômée d’Oxford et du Spelman College, boursière Marshall, elle a enseigné à Harvard et à l’Université d’État du Michigan avant son entrée à la Fed.

Sa nomination, en 2022, avait déjà suscité de vifs débats politiques, certains républicains contestant son profil. Mais elle est aussi devenue une figure emblématique de la diversité et de l’expertise économique au sein de l’institution.

L’affaire Cook relance un débat ancien mais crucial : l’indépendance de la Fed face aux pressions politiques.

Les économistes s’accordent sur un point : une banque centrale indépendante est mieux placée pour prendre des décisions impopulaires mais nécessaires, comme relever les taux pour contenir l’inflation.

L’intervention de Trump, en tentant d’écarter une gouverneure qu’il juge défavorable à ses orientations, est perçue comme une rupture dangereuse. Si la Cour suprême venait à lui donner raison, cela créerait un précédent qui permettrait aux futurs présidents de remodeler à leur guise l’institution en chareg de la politique monétaire américaine.

Pour l’heure, Lisa Cook siègera bien à la réunion de mardi, où les 19 membres du Comité de politique monétaire, dont sept gouverneurs et douze présidents de banques régionales, débattront de l’avenir des taux.

Comme le conclut l’Associated Press, relayée par Newsweek : ce bras de fer « met en lumière les enjeux politiques considérables qui entourent aujourd’hui la Fed », à un moment où le pays tout entier reste suspendu à l’évolution du coût de la vie et de la stabilité financière.

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