Trump déploie 2 000 membres de la Garde nationale contre l’avis du gouverneur

CTN News
Credit: Doug Mills/The New York Times

Le président Donald Trump a ordonné samedi le déploiement de 2 000 soldats de la Garde nationale en Californie, ignorant délibérément l’autorité du gouverneur Gavin Newsom.

Cette action vise à réprimer les manifestations qui s’opposent aux opérations d’immigration menées par les autorités fédérales.

Cette application de la législation fédérale — particulièrement l’article 10 U.S.C. 12406 du Code des services armés — confère au président le pouvoir de mobiliser des unités de la Garde nationale d’un État « dans la proportion jugée nécessaire pour repousser une invasion, étouffer une insurrection ou faire respecter les lois », lorsque l’autorité gouvernementale américaine est compromise.

« Considérant que les manifestations ou actes de violence interfèrent directement avec l’application des lois, ils constituent une forme d’insurrection contre l’autorité du gouvernement des États-Unis », a précisé la directive présidentielle.

Cette décision de Donald Trump constitue un événement sans précédent dans l’histoire moderne des États-Unis. Selon Elizabeth Goitein, directrice du programme Libertés et sécurité nationale au Brennan Center for Justice, le dernier cas similaire date de 1965. À l’époque, le président Lyndon B. Johnson avait envoyé des forces fédérales en Alabama pour protéger les manifestants des droits civiques — sans l’autorisation du gouverneur de l’État, comme l’a souligné le New York Times. « C’est la première fois depuis 1965 qu’un président fédéralise la Garde nationale d’un État sans en avoir reçu la demande », a-t-elle expliqué au New York Times.

Le gouverneur démocrate de Californie s’est vivement opposé à cette initiative présidentielle.

« Cette action est délibérément provocatrice et ne fera qu’intensifier les tensions », a critiqué Gavin Newsom, ajoutant : « C’est une mission mal avisée qui sapera la confiance du public. »

Sur le terrain, plusieurs manifestations contestant les récentes interventions fédérales dans des entreprises employant des travailleurs sans-papiers ont éclaté à Los Angeles et dans sa périphérie, particulièrement aux alentours d’un magasin Home Depot à Paramount. En dépit de quelques incidents isolés lors de certains rassemblements, les forces de police locales n’ont pas sollicité de renfort fédéral.

Du côté de la Maison Blanche, cette démarche est présentée comme une réponse indispensable face à une montée incontrôlée des violences.

Karoline Leavitt, porte-parole de l’administration présidentielle, a déclaré que le déploiement des troupes visait à maîtriser « des foules violentes » qui auraient agressé des agents fédéraux et le personnel des services d’immigration. Cette intervention militaire a pour objectif de « mettre fin au chaos qui s’est développé sans entrave », a-t-elle souligné dans un communiqué officiel.

Via la plateforme X, Pete Hegseth, secrétaire à la Défense, a indiqué que le Pentagone déployait « SANS DÉLAI » les effectifs de la Garde nationale, sans préciser leur lieu de rassemblement ni les unités mobilisées. Il a ajouté que des Marines en service actif étaient mis « en état d’alerte maximale » à Camp Pendleton, localisé à environ cent kilomètres au sud de Los Angeles.

L’ordre présidentiel octroie au secrétaire à la Défense une large autorité pour mobiliser également des membres des forces armées régulières, si les circonstances l’exigent, afin d’assurer « la protection des fonctions et biens fédéraux ».

Le dernier cas similaire remonte à 1992, quand George H. W. Bush avait envoyé des troupes fédérales à Los Angeles pour contrôler les émeutes suivant l’acquittement des policiers impliqués dans le passage à tabac de Rodney King. À l’époque, cette intervention avait été expressément demandée par le gouverneur de l’État, comme l’a rappelé le New York Times.

Néanmoins, de nombreux experts jugent la situation actuelle particulièrement préoccupante.

« La décision du gouvernement fédéral de prendre le contrôle de la Garde nationale californienne sans l’aval du gouverneur pour réprimer des manifestations est profondément inquiétante », a souligné Erwin Chemerinsky, doyen de la faculté de droit de l’Université de Californie à Berkeley. Il a ajouté que « cela revient à instrumentaliser l’armée pour étouffer toute forme d’opposition ».

Cette initiative présidentielle s’inscrit dans la lignée des actions précédentes de Donald Trump.

Pendant son premier mandat en 2020, il avait déjà fait déployer des hélicoptères militaires pour disperser des manifestants non-violents aux abords de la Maison-Blanche. Plus tard, lors d’un rassemblement électoral en 2023, Trump avait explicitement annoncé son intention de passer outre les autorités locales dans ses futures actions :

« Normalement, il faut attendre une demande d’intervention du gouverneur ou du maire — la prochaine fois, je n’attendrai pas cette autorisation », avait-il affirmé devant ses partisans.

Les représentants démocrates californiens redoutaient depuis longtemps une telle escalade. De nombreux élus s’inquiètent désormais des implications constitutionnelles de cette décision, dans un climat politique de plus en plus tendu.

Ces derniers jours, la population de Chicago s’est rassemblée pour dénoncer les arrestations d’immigrants par l’ICE et la politique d’expulsion massive de l’administration Trump. Durant une manifestation ce week-end, les forces fédérales ont fait usage de gaz lacrymogènes contre des manifestants pacifiques, selon les responsables de la police de Chicago.

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