Haïti : La situation des droits de l’homme continue de se dégrader, alerte l’ONU

Emmanuel Paul

William O’Neill, expert des Nations Unies sur la situation des droits de l’homme en Haïti, a lancé un nouvel avertissement sur la crise humanitaire qui frappe le pays.

De retour d’une mission de terrain, il dresse un constat alarmant : « Ce bref séjour m’a permis de prendre la mesure de la situation, non seulement de sa gravité, mais aussi et surtout, de la douleur et du désespoir de toute une population. »

L’expert, qui en est à sa quatrième visite en Haïti depuis sa nomination par le Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’Homme il y a deux ans, a souligné la menace croissante que représentent les gangs. « Malgré les efforts déployés par la Police Nationale d’Haïti (PNH) et la Mission nationale d’appui à la sécurité (MMAS), le risque de voir la capitale tomber sous le contrôle des gangs est palpable. »

Les groupes criminels continuent de semer la terreur en toute impunité, selon O’Neill. « Ils tuent, violent, terrorisent, incendient les maisons, les orphelinats, les écoles, les hôpitaux, les lieux de culte, recrutent des enfants et infiltrent toutes les sphères de la société. » De nombreux témoignages poignants illustrent cette réalité brutale.

P., une jeune fille de 16 ans, a raconté l’horreur qu’elle a vécue : « Sept bandits armés et masqués sont entrés chez moi, à Kenscoff. Ils nous ont violées et battues, moi et ma belle-mère. Puis, ils ont tué mon père devant moi. La douleur est atroce. Parfois, je l’oublie ; puis, elle revient. La nuit, je crie. » Aujourd’hui, elle trouve un certain réconfort dans la danse et espère devenir psychologue pour aider d’autres jeunes survivantes comme elle.

L., 12 ans, un enfant recruté de force par un gang, exprime un souhait simple mais puissant : « Je veux seulement retourner dans la rue. » Actuellement incarcé au Centre de rééducation des mineurs de Port-au-Prince, il est accusé d’association avec les gangs. « Je ne veux plus de bandits dans mon pays. Plus tard, je serai pilote. »

La violence a entraîné le déplacement de plus d’un million de personnes, et encore des milliers ces dernières semaines. « Ils n’ont nulle part où aller. Dans les camps de fortune, la faim et la violence sexuelle sont monnaie courante. Il s’agit pour beaucoup de survivre, » alerte O’Neill.

Dans un contexte de tensions extrêmes, certains événements récents illustrent la désespération de la population. « Des étudiants ont récemment lapidé des déplacés qui occupaient leur école pour les faire partir, de peur de ne pouvoir y retourner, » rapporte-t-il citant les temoignages de certaines victimes.

Face à cette situation dramatique, O’Neill insiste sur l’urgence d’une action concertée. « L’unité et la solidarité doivent guider l’action politique à tous les niveaux, dans l’intérêt de la population. »

Il appelle l’État haïtien à faire de la lutte contre l’impunité et la corruption une priorité absolue. « La lutte contre les gangs doit s’inscrire dans le strict respect du droit international des droits de l’homme, en particulier du droit à la vie. Aucune circonstance, aussi exceptionnelle soit-elle, ne doit justifier la violation de ce droit fondamental. »

O’Neill exhorte également la communauté internationale à agir sans délai. « Il n’y a pas un jour à perdre. Il n’y a pas d’alternative. C’est la survie d’Haïti qui est en jeu. »

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